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chapelle où elle avait eu sa révélation. Plus tard elle reprendra les souvenirs de cette période de sa vie dans un récit brûlant d’amour divin, dans Spiridion, ou plutôt dans les premières pages du récit ; car il arrive un moment où l’âme tendrement exaltée du jeune moine est en proie à des troubles et à des visions d’un autre genre qui le détournent de la foi simple et le jettent dans des voies nouvelles. Mais le début du roman garde l’empreinte d’une grande et sincère émotion religieuse qui ne se rencontre nulle part, dans la vie de l’auteur, au même degré qu’au couvent des Anglaises. Comme il arriva pour le jeune moine Spiridion, la vie vint bientôt chez elle troubler ce beau rêve mystique, déconcerter l’extase et apporter des éléments nouveaux qui modifièrent profondément l’impression reçue. Mais elle en conserva toujours un germe d’idéalisme chrétien que les accidents de la vie, ses aventures mêmes ne purent jamais étouffer et qui reparaissait toujours après des éclipses passagères.

La fièvre religieuse s’apaisa bientôt, à son retour à Nohant, où la rappelait la sollicitude un peu inquiète de sa grand’mère et où des incertitudes cruelles sur une santé précaire l’obligèrent à rentrer dans les soucis de la vie pratique. Pendant les dix derniers mois que dura la lente et inévitable destruction d’une vie qui lui était chère, Aurore vécut près du lit de Mme Dupin, ou seule dans une tristesse presque sauvage. Cette mélancolie profonde