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Cette controverse amicale dura près de douze années, de 1864 à 1876. Comment était née cette amitié littéraire entre deux personnages si différents, il importe peu ; sans doute ils se rencontrèrent un jour à ce fameux dîner Magny où George Sand ne manquait pas de paraître, quand elle passait par Paris, ne fût-ce que pour reprendre langue dans ce pays des lettrés qu’elle oubliait dans les longs séjours de Nohant. Après cette rencontre, plus ou moins fortuite, Flaubert avait applaudi de toutes ses forces à la première représentation de Villemer, et George Sand, reconnaissante, lui écrivait « qu’elle l’aimait de tout son cœur ». La connaissance était faite ; les lettres devinrent de plus en plus fréquentes ; elles devaient durer autant que la vie de George Sand. Elle avait admiré Madame Bovary ; pour Salammbô, elle avait tout de suite vu le défaut de la cuirasse. « Ouvrage très fort, très beau, disait-elle, mais qui n’a vraiment d’intérêt que pour les artistes et les érudits. Ils le discutent d’autant plus, mais ils le lisent, tandis que le public se contente de dire : « C’est peut-être superbe, mais les gens de ce temps-là ne m’intéressent pas du tout[1]. »

Elle avait laissé, sans doute, percer quelque chose de cette impression en causant avec Flaubert, qui, de son côté, avait plaisanté, paraît-il, « le vieux troubadour de pendule d’auberge, qui toujours chante et chantera le parfait amour ». Troubadour,

  1. Lettre à Maurice Sand du 20 juin 1865.