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j’oublie que je suis très vieille. Qu’importe ? je vivrai dans ceux qui vivront après moi. » (1871.)

En toute chose, même dans l’ordre philosophique, il se produit ainsi chez elle un notable apaisement ; la passion excessive, qui jette dans chacune de ses idées une flamme d’orage, s’est calmée. Elle demeure spiritualiste ardente, comme elle l’a toujours été, mais elle ne croit plus nécessaire de faire la guerre au christianisme ; elle reste en dehors, elle ne fulmine plus. On chercherait en vain, dans sa correspondance des dernières années, ces déclamations furibondes contre le prêtre qui éclataient à tout propos et hors de propos, vingt ans auparavant, dans ses romans et dans ses lettres. Quant à ses convictions philosophiques, elle les défend avec une obstination indomptable et méritoire contre l’intolérance à rebours du matérialisme qui se prétend scientifique. Elle ne supporte pas qu’on lui dise : « Croyez cela avec moi, sous peine de rester avec les hommes du passé, détruisons pour prouver, abattons tout pour reconstruire ». Elle répond : « Bornez-vous à prouver et ne nous commandez rien ». Ce n’est pas le rôle de la science d’abattre à coups de colère et à l’aide des passions… Vous dites : « Il faut que la foi brûle et tue la science, ou que la science chasse et dissipe la foi ». Cette mutuelle extermination ne me paraît pas le fait d’une bataille, ni l’œuvre d’une génération. La liberté y périrait[1]. » Elle ne voit pas la nécessité de forcer

  1. Lettre à M. Louis Viardot, 10 juin 1868.