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chef-d’œuvre de poésie rustique qui rachetait par son charme l’erreur prolixe du Meunier d’Angibault.

C’était un temps saturé d’idées et d’émotions, singulièrement caractérisé par un de ces grands poètes qui disait alors : « La France s’ennuie », et, chose plus singulière, qui le lui faisait croire, confondant l’ennui avec la secrète fermentation des esprits, mécontents du présent qui ne leur donnait pas assez d’émotions.

Je prends les années déjà lointaines de 1846 et 1847, parce qu’elles marquent l’apogée d’influence et de gloire où s’éleva le nom de George Sand, une gloire formée dans la tempête. On n’a pas perdu le souvenir des polémiques exaltées dont George Sand était alors l’occasion ou le prétexte. Doit-on s’étonner, si l’on y réfléchit, que cette renommée brillante et orageuse oscillât, au souffle des opinions contraires, entre l’admiration et l’anathème ? Bien peu d’esprits gardaient la mesure à son égard. C’étaient tantôt des fureurs justicières et vengeresses contre une réformatrice audacieuse, tantôt une idolâtrie lyrique comme les œuvres qui en étaient l’objet, une acclamation bruyante en l’honneur des idées et des principes confondus, dans une sorte d’apothéose déréglée, avec la puissance de l’inspiration et la beauté du style. Toutes ces passions sont bien tombées aujourd’hui. Il y a place maintenant, à ce qu’il semble, au milieu d’une indifférence réelle ou affectée, pour un jugement plus impartial, peut-être pour une admiration mieux raisonnée et plus libre. En tout