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petit Trianon » ; elle brouette des cailloux, elle arrache de mauvaises herbes, elle plante du lierre ; elle s’éreinte dans un jardin de poupée, et cela la fait dormir, dit-elle, et manger on ne peut mieux. On la voit d’ici, et dans quel costume négligé je la surpris, cette bonne travailleuse de la terre !

La vie d’intérieur, elle l’avait d’ailleurs recherchée, même à travers les circonstances les plus contraires, à condition que l’intérieur fût réglé par elle et qu’on lui laissât certaines libertés, d’ordinaire inconciliables. Quel est le sentiment qui dominait quand elle alla s’établir avec ses enfants à Majorque, traînant avec elle le pauvre Chopin, déjà très malade ? Il faut lire ses lettres de l’hiver de 1839, datées de l’abbaye de Valdemosa, pour se rendre compte de cette sorte de maternité exaltée dans laquelle s’était transformée toute autre affection et qu’elle étendait sur le grand artiste souffrant. Dans cette famille réunie d’une façon assez bizarre, n’est-ce pas comme un autre enfant à elle qu’elle soigne et pour lequel elle se dévoue ainsi ? Ne pourrait-on pas s’y tromper ? La vieille Chartreuse était d’une poésie incomparable ; la nature était admirable, grandiose et sauvage ; des aigles traversaient l’air au-dessus de leur tête ; mais le climat devenait horrible, la pluie torrentielle ; les habitants hostiles les regardaient comme des pestiférés. Tout cela eût paru tolérable si Chopin avait pu s’en arranger ; mais cette poitrine, blessée à mort, allait de mal en pis. Une femme de chambre, amenée de France à grands frais, commençait à refuser le