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lac, bien différent dans sa noble nudité de ce qu’il paraissait être, un instant auparavant, sous ses haillons sordides. Léonce fait de lui un homme comme il faut en lui jetant des habits convenables. Touchant apologue qui nous fait voir qu’il n’y a bien souvent qu’une question de vêtements entre les hommes, surtout dans les romans de Mme Sand ! C’est une idée chère à l’auteur, et qu’elle reprendra souvent, jamais avec autant de bonheur et de grâce. Teverino s’est révélé à Léonce avec sa distinction naturelle ; c’est le plus beau des mortels et le plus éloquent des artistes. Dès lors il va prendre sa place, qui sera la première, dans cette journée romantique ; il marque en tout genre une supériorité de virtuose, de philosophe, d’ami dévoué (bien qu’improvisé), d’amant chevaleresque, si bien qu’il remplit toute la fin de la journée, toute la soirée qui la termine et la matinée qui la recommence, des propos les plus fins, les plus brillants, les plus poétiques, des actes les plus audacieux, des engagements de cœur les plus hardis, arrêtés à temps avec une discrétion que n’aurait pas un homme du monde. Il éblouit de sa voix d’artiste toute une petite ville italienne où l’on s’est arrêté pour le soir, il étonne de plus en plus Léonce, il l’irrite même et le domine par la noblesse de sa conduite, il se fait un instant presque aimer de l’élégante et hautaine Sabina ; et ce n’est que par générosité qu’après l’avoir troublée, comme pour faire l’épreuve de sa puissance, il détache de lui ce cœur fragile, un instant surpris, le rend à