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oublié, il surgira de l’ombre du rocher une petite pastoure espagnole, et nous voilà qui mettons dans un coin du paysage son piquant profil, son joli sourire, sa chevelure flottante, mêlée au vent comme la queue d’une jeune cavale. Et ainsi l’âme, en retrouvant la figure humaine, se détend de la grandeur trop austère que lui imposent les cimes et les torrents. Si nos regards se perdent dans les horizons de la mer, on nous y montre une voile, et sous cette voile nous devinons un rude travailleur qui peine et qui souffre. S’ils se portent vers les profondeurs sans limites du ciel, on nous y fait supposer des peuples d’âmes inconnues, animant de leurs joies ou de leurs souffrances la bleue immensité. Toujours un sentiment joue autour du paysage et ajoute à l’infini de la nature l’infini plus mystérieux de l’âme. Une fleur, une herbe, tout s’harmonise avec nos pensées. Des traits charmants éclatent à chaque instant à travers les dialogues ou les rêveries, comme celui-ci : « En portant mes mains à mon visage, je respirai l’odeur d’une sauge dont j’avais touché les feuilles quelques heures auparavant. Cette petite plante fleurissait maintenant sur la montagne, à plusieurs lieues de moi. Je l’avais respectée ; je n’avais emporté d’elle que son exquise senteur. D’où vient qu’elle l’avait laissée ? Quelle chose précieuse est donc le parfum, qui, sans rien faire perdre à la plante dont il émane, s’attache aux mains d’un ami, et le suit en voyage pour le charmer et lui rappeler longtemps la beauté de la fleur qu’il aime ? Le parfum