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Qu’est-ce que le bien-être de l’espèce, composé des malheurs des individus ? Composez donc aussi un concert de joie avec des larmes et des soupirs ! Faites régénérer toutes les espèces et produire la vie par des cadavres ! Oui, le mal existe dans vous, autour de vous, dans tout l’univers, et vous n’êtes occupés qu’à être aux prises avec lui (1). »

Saint-Martin n’admet pas davantage l’explication du manichéisme, la coexistence dans l’éternité de deux principes égaux, de deux Dieux, l’un auteur du mal et l’autre du bien. « Ou ils n’auraient aucune action l’un sur l’autre, ou ils se seraient mutuellement balancés et contenus. Or, de cette égalité de puissance, il serait résulté une inaction et une stérilité absolues dans ces deux êtres, parce que, leurs forces réciproques se trouvant sans cesse égales et opposées, rien n’eût été produit(2) »

Suivant en cela la grande doctrine chrétiennes ! fortement développée par saint Augustin, il attribue l’origine du mal h la volonté. Cette idée est parfaitement d’accord avec la doctrine du Christianisme ; mais quelle contradiction manifeste avec le principe de l’unité de substance ! Conçoit-on deux forces contraires dans une seule substance, deux volontés opposées et en conflit dans le même être ? Le mal ne peut être là où règne le panthéisme, non plus que le libre arbitre, cause du mal, non plus que la chute, qui en est la suite. A vouloir tout concilier, Saint-Martin succombe. Alexandrin par le dogme de l’émana-

(1) Homme de désir, t. I, p. 162. (2) Erreurs, p. 12.