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Soir de bataille

 
Sous un large soleil d’été, de l’aube au soir,
Sans relâge[1], fauchant les blés, brisant les vignes,
Longs murs d’hommes, ils ont poussé leurs sombres lignes,
Et là, par blocs entiers, ils se sont laissés choir.

Puis ils se sont rués en étreintes féroces,
Le souffle au souffle uni, l’œil de haine chargé ;
Le fer d’un sang fiévreux à l’aise s’est gorgé ;
La cervelle a jailli sous la lourdeur des crosses.

Victorieux, vaincus, fantassins, cavaliers ;
Les voici, maintenant, blêmes, muets, farouches,
Les poings fermés, serrant les dents et les yeux louches,
Dans la mort furieuse étendus par milliers…,

Ô boucherie, ô soif du meurtre, acharnement
Horrible ! Odeur des morts qui suffoques et navres,
Soyez maudits devant ces cents-mille cadavres
Et la stupide horreur de cette égorgement !

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