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Ce bon et savant homme parlait dans le désert, parce qu’en France les petits défauts font perdre presque toujours le fruit des grandes qualités, et que vous y êtes apprécié bien moins d’après ce que tous possédez que d’après ce qui vous manque. L’action du baron d’Eckstein ne s’exerçait donc que sur quelques jeunes gens respectant la fermeté raisonnée de ses croyances et l’admirable rectitude de son sens politique. Sous l’abondance très-pittoresque de sa parole se cachaient les plus sages conseils et les plus solides directions pour ses amis. Dévoué à la maison de Bourbon, le baron d’Eckstein ne se fit, à partir de la chute du ministère Martignac, aucune illusion sur la prochaine catastrophe au-devant de laquelle la monarchie semblait courir depuis l’appel du prince de Polignac aux affaires. Sans professer aucune admiration théorique pour l’ordre de choses enfanté par la Révolution française, il le savait indestructible, et donnait par raison une adhésion décidée à la charte constitutionnelle qui exprimait les idées de la société nouvelle et en rassurait les intérêts. Repoussant pour l’Église au dix-neuvième siècle tout autre régime que celui du droit commun, il voyait avec une grande inquiétude la chaire apostolique, l’épiscopat français et la chancellerie romaine persister à parler à des populations incrédules la langue qui seyait à des sociétés croyantes, catholiquement organisées. D’un autre côté, il repoussait résolument l’ancien gallicanisme parlementaire qui, sous le prétexte de protéger la religion n’avait eu d’autre effet que de l’asservir en l’abaissant : création artifi-