Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prit que le roi viendrait bientôt « faire ses pâques à sa paroisse. »

Dans l’hiver de 1829, l’esprit d’opposition, sensible jusque dans les salons de la cour, était général dans ceux de la ville. Il ne restait plus rien, au sein de la bourgeoisie parisienne, de l’enthousiasme si vrai avec lequel la Restauration avait été acclamée, à la chute de l’Empire, comme une éclatante protestation contre la guerre et le despotisme. Le cours des idées avait été violemment changé par les mesures organiques, dans la discussion desquelles la droite avait usé ses forces depuis cinq ans, mesures dont la portée n’avait pas manqué d’être exagérée par une presse implacable. Le renvoi de M. de Chateaubriand, cantonné dans la forteresse inexpugnable du journalisme, avait porté un premier coup au ministère de M. de Villèle, pour lequel le nom du grand écrivain était tout au moins un ornement précieux. La loi d’aînesse avait agité tout le faubourg Saint-Germain ; la réduction du taux de la rente avait fait descendre l’agitation jusque dans la loge des portiers, et tout Paris exhalait sa colère en injures contre le ministre des finances et en épigrammes contre le nouveau duc d’Otrante. Enfin, l’opposition était devenue si générale, que l’archevêque de Paris lui-même, malgré son ardent dévouement à la monarchie, croyait nécessaire de s’associer par une manifestation publique faite à la Chambre des pairs à laquelle il appartenait. La dissolution de la garde nationale, prononcée en 1827, ne tarda pas à séparer la population parisienne de la mai-