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La Comtesse.

N’en croyez rien, Chevalier, s’il me croit des torts vis-à-vis de lui, il ne voudra rien examiner, il aimera mieux me condamner, d’après ce qu’il pensera, que de desirer que je ne sois point coupable. Cette conduite m’éclaire & me fait voir l’abîme où je me précipitois en l’épousant.

Le Chevalier.

Quoi, Madame, vous pourriez renoncer à lui ? Qu’est donc devenu cet amour…

La Comtesse.

Ne croyez pas que je puisse seulement le regretter. L’ingrat ! je l’aimois malgré ses défauts : son entêtement continuel me paroissoit un travers de l’esprit, & non un vice du cœur ; je le croyois sensible, tendre, délicat, constant ; j’espérois que son amour pour moi l’ameneroit à la confiance, que le desir de me plaire, lui feroit perdre peu-à-peu cette inflexibilité d’opinion qu’il a sur tout, & donc personne n’a intérêt de le corriger ; mais puisqu’il m’abandonne, il ne me prouve que trop combien je me suis trompée. Je ne veux plus seulement le voir.