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CHAPITRE XIX.

l’aimais ; je ne croyais pas même avoir d’amour pour elle, et ces mots : Quoi ! malheureux, c’est toi qui me trahis ! que je croyais entendre toutes les nuits, rendaient ma position aussi cruelle que celle d’Oreste dans l’opéra d’Iphigénie. J’avais même pensé que c’était ce poème qui s’était retracé à mon imagination et qui l’avait égarée. À force d’y réfléchir, l’idée de trahir madame de Ricion, en ayant de l’amour pour madame de Soulers, m’épouvanta et me rendit odieux à moi-même. Pour éviter un pareil manque de foi, je pris le parti de m’éloigner la nuit. J’écrivis au commandeur qu’un de mes parens qui se mourait, m’obligeait de partir pour Paris, dès ce moment, et que je n’avais pas voulu le réveiller. En effet, je courus jour et nuit sans savoir où j’allais, et je suis arrivé ici la tête absolument tournée. J’eus de la fièvre pendant quelques jours. Je reçus