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Le Héros n’est plus maintenant regardé comme un Dieu, parmi ses semblables ; mais comme un Inspiré de Dieu, comme un Prophète. C’est la seconde phase du Culte des Héros : la première, ou la plus ancienne, nous pouvons le dire, est passée, a disparu sans retour ; dans l’histoire du monde, il n’y aura plus de nouveau d’homme, si grand soit-il, que ses semblables prennent pour un dieu. Et même nous pourrions raisonnablement le demander : est-ce que jamais groupe d’êtres humains a réellement pensé que l’homme qu’on voyait là debout à côté de soi était un dieu, le créateur de ce monde ? Peut-être non : c’était d’ordinaire quelque homme dont on se souvenait, ou qu’on avait vu. Mais ceci même ne peut plus jamais être. Le Grand Homme n’est plus reconnu comme dieu désormais.

C’était une rude et grossière erreur que de prendre ainsi le Grand Homme pour un dieu. Disons pourtant qu’il est en tous temps difficile de savoir ce qu’il est, ou comment on doit le considérer et le recevoir ! Le trait le plus significatif dans l’histoire d’une époque, c’est la manière qu’elle a d’accueillir un Grand Homme. Toujours, pour les vrais instincts des hommes, il y a quelque chose de divin en lui. Maintenant, devront-ils le prendre pour un dieu, pour un prophète, ou pour quoi devront-ils le prendre ? C’est là toujours une grande question ; par leur façon d’y répondre, nous verrons, comme à travers une petite fenêtre, jusqu’au fond du cœur de la condition spirituelle de ces hommes. Car au fond le Grand Homme, tel qu’il sort des mains de la Nature, est toujours la même espèce de chose : Odin, Luther, Johnson, Burns ; j’espère