Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’écoulera de temps entre la production et la consommation — et plus sera lente, par conséquent, la circulation entre le producteur de l’aliment et celui qui demande à le manger, — plus il en adviendra, nous assure-t-on, de prospérité pour tous. Comme résultat infaillible la terre se consolidera de plus en plus, — le petit propriétaire disparaîtra et sera remplacé par le mercenaire, — le négociant et le rentier deviendront de plus en plus les maîtres de la population, — l’état de guerre deviendra la condition plus habitude de la société. La nécessité d’arrêter, dans son trajet vers le consommateur, la propriété produite et, par conséquent, de pourvoir à l’entretien de flottes et d’armées, deviendra d’année en année plus urgente[1].

Que le rapport du capital fixé s’élève, et le pouvoir d’association s’accroît, ainsi que le développement de l’individualité, et la rapidité du mouvement de la machine sociétaire, — dont la base s élargit en même temps que le sommet gagne en élévation. Que s’élève, au contraire, le rapport du capital flottant, l’effet inverse est produit : le pouvoir d’association décline, la base de la société se rétrécit, le mouvement perd en vitesse et le pouvoir d’accumuler diminue. De fréquentes révolutions monétaires amènent l’incertitude dans la demande de travail et des produits du travail, ce qui enrichit encore plus les riches, tandis que ceux qui ont de la force musculaire ou intellectuelle à vendre manquent de pain. À aucune époque il n’y a eu de si grandes fortunes individuelles que de nos jours ; jamais les ouvriers anglais n’ont plus complètement échoué que dans leurs dernières tentatives pour obtenir un accroissement de salaire, qui corresponde au prix plus élevé qu’ils payent pour les différentes nécessités de la vie. L’inégalité croît de jour en

  1. Voici quelques lignes d’un article d’un journal anglais qui montrent comment la circulation du sol est arrêtée et la terre elle-même monopolisée :
      « La complication d’intérêts attachés au sol qui s’est produite sous le système actuel de constitutions et de substitutions, les hypothèques dont le sol est grevé, l’incapacité absolue de la plupart des propriétaires pour administrer un domaine ont fait que la propriété foncière en Angleterre est à peu près nominale. L’Irlande était dans un cas semblable et même pire ; ou a dû recourir au remède décisif d’une Commission des biens hypothéqués, et c’est à peine s’il s’est montré efficace. Nul doute qu’avant peu, il faudra recourir, en Angleterre, à quelque chose de semblable pour le fond, sinon pour la forme, afin de débarrasser la terre de tous les embarras et liens qui resserrent sa puissance productive dans des limites si étroites. » The Economist 1852, p. 645.