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pour les sociétés, la mutualité d’interdépendance augmente à chaque degré du progrès depuis la forme sociétaire la plus simple que nous présente l’histoire de Crusoé et de son Vendredi, jusqu’à ce haut état d’organisation où des dix mille personnes s’entendent pour satisfaire au besoin public d’un simple journal, — ce qui fait profiter des cent mille de sa lecture, à un prix si minime qu’il échappe à peu près au calcul[1].

Dans la nature, plus il existe subordination complète et interdépendance des parties, plus est grand le pouvoir d’individualité de l’ensemble et plus est absolu le pouvoir de se diriger soi-même. La roche est attachée à la terre, elle n’obéit qu’à une seule force. L’oiseau s’élève à son gré dans l’air, ou effleure le lac. Le chien obéit à son maître. Le maître a pouvoir de se diriger et de diriger la nature. L’homme à l’état de santé, dont toutes les parties se meuvent en soumission parfaite au cerveau qui dirige, décide lui-même s’il veut sortir ou rester au logis ; — le malade, au contraire, est forcé de garder la chambre. Il en est nécessairement ainsi de la société. — Son pouvoir de se diriger elle-même augmente à mesure qu’augmente l’interdépendance entre les diverses parties, et celle-ci acquiert son développement à mesure que l’organisation se perfectionne et que la subordination est plus complète.

Organisation et subordination, association et individualité, responsabilité et liberté marchent de compagnie dans le monde social.

§ 2. — Plus la coordination des parties est parfaite, et mieux se complète le développement de chacune et de toutes. Plus sont nombreuses les différences dans une société, plus la subordination est parfaite et plus complète est leur interdépendance. L’ordre et la liberté vont s’élevant à chaque degré qui rapproche du type de l’organisation sociétaire. Exemples empruntés à l’histoire.

Dans l’homme, le cerveau fait l’office de coordinateur de tout le système, et l’existence d’une nécessité de coordination, d’une part, implique le devoir de subordination d’autre part.

Plus la coordination de l’ensemble est parfaite, mieux se développe chacune des parties. Faute de diriger vers l’estomac sa provision d’aliments, les bras et les jambes perdent leur pouvoir, les yeux s’affaiblissent, — le cerveau subit sa part de déperdition jusqu’à ce qu’enfin la vie cesse.

Plus il y a perfection de développement des diverses parties de l’homme, et différences marquées et nombreuses des qualités développées, plus s’accroîtra pour lui le pouvoir de maintenir com-

  1. Voyez précéd., vol II, p. 301.