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§ 5. — L’obstacle au développement du commerce avec une population lointaine se trouve dans la taxe du transport. Le centre et le nord de l’Europe s’affranchissent par degrés de la nécessité de l’acquitter. Il s’ensuit un accroissement rapide des relations avec les pays éloignés. Augmentation de cette taxe dans tous les pays qui se guident sur l’Angleterre. La véritable liberté du commerce consiste à entretenir relation directe avec la monde extérieur. A cela s’oppose la centralisation, et de là vient la résistance qu’elle rencontre chez toutes les sociétés en progrès de l’Europe. La protection a pour objet d’établir la parfaite liberté de commerce sur tout le globe.

Ce sont là autant de faits qu’on ne peut révoquer en doute, À quelle cause les attribuer ? Cherchons. L’obstacle à l’entretien de commerce, étranger ou domestique, se trouve dans la taxe de transport — dont l’acquittement retombe presque en entier sur la communauté qui exporte les utilités les plus encombrantes[1]. La France expédie à l’étranger pour des centaines de millions de dollars de subsistances tellement condensées en soie, en rubans, en dentelles, en cotonnades, qu’il faut peu de navires pour le transport. L’Inde n’envoie que des denrées premières — qui exigent des douzaines de vaisseaux du dehors pour exportation, dont il faut payer le fret pour une simple cargaison d’importation. — L’Europe centrale et du Nord suivent la trace de la France. — Elles s’affranchissent d’elles-mêmes par degrés du payement de cette taxe épuisante, ce qui les met en état de devenir de forts consommateurs des produits des autres pays. L’Irlande, la Jamaïque, la Turquie et nos États-Unis — suivant la trace de l’Angleterre, — éprouvent au contraire que la taxe de transport va toujours en augmentant, d’où résulte affaiblissement de leur faculté de produire, suivi de l’affaiblissement de la faculté de devenir des acheteurs pour les autres pays[2].

Dans tous les pays qui suivent la trace de Colbert et celle d’Adam Smith, l’agriculture devient une science, la terre donne des récoltes plus considérables d’année en année, et il y a augmentation de richesse et de pouvoir[3]. Dans ceux qui suivent la trace de l’Angle-

  1. Voy. précéd., p. 429.
  2. Le poids de la taxe ainsi imposée augmente à mesure que s’abaissent les prix des denrées premières. Nous avons tu dans un précédent chapitre (ch. XXV), que ceux des utilités américaines s’abaissent. Voici ce qui en résulte pour les fermiers et planteurs. En 1834-5, lorsqu’on exportait en denrées premières pour 92 millions de dollars, le tonnage des navires nationaux et étrangers qui chargeaient pour les ports étrangers était de 2.030.000 tonneaux. Six ans après, en 1840-1, l’exportation était de 98.000.000 dollars, et le tonnage des vaisseaux chargés pour l’étranger était de 2.353.000 tonneaux. En 1856, la valeur totale d’exportations était 230.000.000 dollars, le tonnage pour l’étranger montait à un peu moins de 7.000.000 tonneaux, — l’augmentation de valeur en vingt ans n’avait été que de 150 %, tandis que l’augmentation du tonnage avait été très-peu au-dessous de 350 %.
  3. Pour qui a lu les écrits d’Adam Smith, sa préférence pour le commerce domestique sur le commerce étranger est bien connue. Chaque acte de commerce se composant de deux demandes de service humain, il a vu clairement que plus les parties seront voisines l’une de l’autre, plus se multiplieront les demandes de services, et plus considérable sera la production. Aussi affirme-t-il « que le capital