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ciétés à l’aide de l’opium. Une troisième classe tire profit de la vente de drogues nuisibles ; — une quatrième se consacre à développer la prostitution, — manifestant leur préférence pour ces genres d’industries. Verra-t-on dans cette préférence une preuve que ces industries sont les plus avantageuses pour le public ? Il est difficile de le penser. Pourquoi se fait-il cependant qu’une partie si considérable, et qui augmente si vite, de la population anglaise, soit poussée à entrer dans de telles industries qui ne tendent nullement à augmenter la quantité des choses produites ou transformées ? Pourquoi se fait-il que cette classe d’intermédiaires augmente au point de ne plus laisser qu’une très-petite part dans une petite production à partager entre les primitifs producteurs et les consommateurs définitifs[1] ? Ce n’est point par suite « d’une préférence, » que les femmes et les enfants viennent chercher emploi dans les « boutiques d’épuisement, » — travaillant de seize à vingt heures par jour et sous une température étouffante — « que leur vie se dépense comme celle du bétail d’une ferme[2] ? » N’est-ce pas au contraire parce que le système repose, aujourd’hui comme à l’époque d’Adam Smith, sur l’idée de favoriser la concurrence comme pour la vente du travail et de tenir ainsi les travailleurs « dans une dépendance suffisante du capital et du talent[3] ? » Une telle concurrence ne fait-elle pas du travailleur, qui doit travailler ou mourir de faim, un véritable esclave pour les employeurs qui peuvent, à leur gré, acheter ou ne pas acheter la seule utilité qu’il ait à vendre ? Il n’y a pas là de doute possible, et dans de telles circonstances parler de préférence pour telle ou telle occupation, c’est mésuser du mot à peu près autant que si l’on parlait de la préférence de l’esclave noir pour tel genre de châtiment sur tel autre.

Comment un tel état de choses a-t-il pu se produire ? Par la longue continuité d’une politique qui a donné au manufacturier aurais la victoire a sur le travail à bon marché, les matières premières sous la main, et l’art traditionnel de l’Hindou, » — et l’a mis à même de supplanter les fabriques domestiques d’Asie, « de Smyrne à Canton, et de Madras à Samarcande, » et de forcer ainsi

  1. Voy. précéd., vol. I, p. 500.
  2. Ibid., p. 544.
  3. Ibid., p.271.