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les rendre plus aptes à des relations plus étendues avec la population lointaine[1]. Différant largement des professeurs modernes, il ne regarde la richesse que comme un moyen ; — le but, pour lui, est l’élévation du peuple soumis à sa direction, et la substitution par degrés de l’homme véritable à la créature humaine léguée à lui par ses prédécesseurs[2]. Qu’il ait erré parfois dans le choix des mesures pour assurer la fin qu’il se proposait, par exemple : en interdisant l’exportation des artisans et du blé, cela n’a rien d’extraordinaire, quand on voit combien peu de progrès s’est accompli dans les deux siècles qui se sont écoulés depuis lui, soit à l’égard des faits eux-mêmes, ou des déductions qu’on en pouvait tirer[3].

Laissons Colbert pour passer à M. Hume, dont l’opinion est : qu’un pays n’a à craindre aucune difficulté à l’égard de son pouvoir de commander les services de ces grands instruments d’association, « les métaux précieux » pourvu qu’il « conserve avec soin sa population et ses manufactures », — exerçant ainsi son pouvoir de

  1. L’esprit du système de Colbert en ce qui regarde le commerce extérieur est résumé ainsi par lui dans un de ses rapports au roi. « Réduction des droits d’exportation sur tous les produits domestiques ; diminution des droits d’importation sur les matières premières ; exclusion des manufactures étrangères au moyen d’augmentation de droits. »
  2. Voy. précéd. vol. I, p. 350, pour les principes qui faisaient la base de sa politique. — Dans une de ses lettres à l’intendant de Tours, il dit : « Examinez dans toutes vos visites si les paysans se rétablissent un peu, comment ils sont habillés, meublés, et s’ils se réjouissent davantage les jours de fête et dans l’occasion des mariages qu’il ne faisaient ci-devant, ces quatre points renfermant toute la connaissance que l’on peut prendre de quelque rétablissement dans un meilleur état que celui auquel ils ont été pendant la guerre et dans les premières années de la paix. » — Clément. Histoire du système protecteur, p. 31.
  3. Dans l’ouvrage cité, M. Clément dit : « que les pays où les denrées sont à bon marché et abondantes ont, dans la concurrence manufacturière sur les marchés du monde, un avantage marqué sur ceux où la vie est chère. » On peut, selon lui, regarder comme un principe établi que « moins le peuple doit dépenser pour sa nourriture et plus bas sera le coût de production. » C’est précisément le contraire qui a lieu, — le coût de transformation étant le moindre dans les pays où la subsistance coûte cher, et le p|us élevé dans ceux où elle est à bon marché. La subsistance coûte peu chez les Illinois, mais les utilités achevées y sont chères. — La première est chère en Angleterre, tandis que les autres sont à bon marché. La nourriture était à bon marché en France à l’époque de Louis XIV, mais le drap et le fer étaient rares et chers. La première est aujourd’hui plus chère, mais les autres sont à meilleur marché. — Quand on voit de telles erreurs de nos jours, on doit excuser celles dans lesquelles a pu tomber Colbert deux siècles auparavant.