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de population. Poussée au désespoir, — n’attendant aucun soulagement dans ce monde et insouciante de l’avenir, — on vient alors la presser d’adopter la panacée Malthusienne de « la contrainte morale ! » C’est une pure mocquerie de mots de suggérer une telle idée aux femmes anglaises, dans les circonstances qui existent.

La centralisation force les femmes d’Irlande à venir chercher en Angleterre acheteurs pour leur travail, — ce qui augmente la concurrence pour la vente de cette utilité, l’effort humain, périssable à partir du moment même où elle se produit, — et ce qui donne la faculté, à ceux qui ont besoin d’acheter, d’imposer quelle quantité d’effort sera donnée et quelle sera la rémunération. C’est là de l’esclavage. Voilà comment la centralisation parvient à faire de Londres le seul et l’unique marché dans l’Angleterre elle-même pour la vente du goût ou de l’adresse féminine, et en même temps à limiter le genre des occupations de la femme[1]. Il en résulte la condition déplorable de pauvres filles qui aspirent à devenir ouvrières d’une usine, c’est-à-dire à être condamnées à travailler pour des mois de suite, non moins de vingt heures sur les vingt-quatre — en respirant l’air épais des fabriques, et recevant la plus chétive nourriture, au lieu d’instruction dont elles sont à jamais frustrées. La consomption termine la carrière des plus délicates parmi ces machines à l’usage du trafic ; — les plus effrontées, celles dont l’une a moins d’aspirations, cherchent dans la prostitution les ressources pour parer aux saisons mortes du travail[2].

Au-dessous de ces dernières sont les ouvrières pour la confection.

  1. « Sur le continent européen, bien qu’il arrive souvent de voir la femme faire des travaux d’homme, par exemple un travail rural répugnant, qui ne convient point à son sexe, cependant, comme une sorte de compensation, elle n’y est point privée autant que chez nous de ce genre de travail qui lui convient spécialement. À Paris, les magasins pour articles de femmes emploient un certain nombre d’hommes, mais moins que chez nous ; à l’étranger, aux stations des chemins de fer, ce sont les femmes qui délivrent les billets. En France les femmes font le service de commis copistes ; elles tiennent les boutiques de détail, de livres, de gravures, de menus objets. En Suisse, elles fabriquent des montres. En Amérique, elles composent dans les imprimeries. Notre système est tout à fait dans la direction d’enlever aux femmes tout moyen de travail. Mais on ne peut penser un seul instant que les femmes anglaises, une fois l’effet du système réalisé, regardent quelques insignifiants avantages comme balançant les grands et terribles maux, résultats d’une violation de la répartition convenable de travail. » — London Times.
  2. Pour une étude d’ensemble sur la condition des ouvrières en Angleterre ; voyez le livre déjà cité : Wrongs of Women, par Charlotte Élisabeth.