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Quant à la Turquie, un voyageur anglais nous a dépeint la concurrence désespérée que font aux machines anglaises des femmes et des enfants acharnés au travail : — ceux-ci travaillant avec assiduité, du moment où leurs petits doigts peuvent tourner un fuseau, et les autres, donnant le travail incessant de toute une semaine pour la misérable pitance d’un shilling anglais, heureuses encore, si elles ne sont pas à court de travail, faute de trouver à placer le fil qu’elles ont filé.

Après l’épuisement de la Turquie et de l’Inde, nous voyons un effort opiniâtre, depuis un demi-siècle, pour démoraliser la Chine au moyen de l’opium, introduit de force dans ce pays malgré l’opposition du gouvernement. Pour atteindre ce but, nous venons de voir deux guerres où l’on a emporté des villes d’assaut, massacré des hommes et violé des femmes. Pour décider combien de telles mesures font progresser la civilisation, on peut s’en rapporter aux femmes qui voient dans la boutique à opium le plus grand ennemi du bonheur et de la paix des ménages[1].

C’est en présence de tels faits que les femmes d’Angleterre rédi-

    idée de ce que probablement était le sort de femmes de Delhy, de Luknow et de l’Inde en général, pendant la dernière guerre du soulèvement.
      « Un couvent, au bout de la rue Saint-Jean, était en flammes, et j’y vis plus d’une religieuse éplorée dans les bras d’un soldat ivre. Plus loin, la confusion semblait pire encore. On avait roulé en dehors des boutiques, dans la rue, des tonneaux de vin et d’eau-de-vie ; quelques-uns étaient encore pleins, les autres bus à demi, la plupart défoncés, et le liquide coulant dans le ruisseau. On entendait, en passant, des cris délirants, des supplications de femmes qui demandaient en vain pitié. Comment en eût-il été autrement ? Si l’on songe que vingt mille hommes, ivres de fureur et de licence s’étaient rués sur une grande population où se trouvent les plus belles femmes de la terre. Tout, dans cette cité vouée au pillage, était à la merci d’une armée furieuse, qui, pour le moment, ne connaissait plus de frein, assistée par une bande infâme de ces gens qui suivent les camps, et qui se montraient plus sanguinaires, plus impitoyables que les hommes qui avaient survécu à l’assaut. Il est inutile de s’appesantir sur une scène qui révolte le cœur. Peu de femmes dans cette belle ville échappèrent cette nuit à l’outrage. La grande dame et la mendiante, la religieuse et la femme et la fille de l’artisan, jeunes et vieilles, toutes furent enveloppées dans la ruine générale. On ne respectait rien, et par conséquent bien peu échappèrent. »

  1. « Rien peut-être ne peut donner l’idée d’un enfer sur la terre autant que les abords de ces lieux infâmes : « les antres de l’opium. » Rev. E. B. Squire.
      « Nous avons peu de raisons de nous étonner que la Chine répugne à étendre ses relations avec l’étranger, quand de telles relations lui apportent leur peste : la pauvreté, le crime et le désordre. Personne ne peut exprimer les horreurs du commerce de l’opium, » — Rev. Howard Macolm.