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dissolution sociétaire ; — la marche est une décadence graduée, et aboutit à la mort sociale.

Chez toutes c’est la femme qui souffre le plus, — l’homme peut changer de lieu, la femme et les enfants doivent rester au pays. Lorsque la ruine des manufactures irlandaises priva des dizaines de mille dé femmes irlandaises du travail auquel elles avaient été accoutumées, où auraient-elles trouvé à vendre leur travail ? Lorsque toute la population d’Irlande eut été réduite à la condition « de pauvres faméliques vivant de pommes de terre et d’eau, » il restait aux hommes la ressource départir, — d’aller chercher du travail en Angleterre ou par delà l’Océan, — mais qui laisser derrière eux pour nourrir des centaines de mille d’épouses, de mères, de filles, de sœurs qui n’ont pu les suivre ? Lorsque « un épuisement général, starvation popular, comme dit un écrivain anglais distingué, fut devenu la condition de tout un peuple, » que faire des êtres qui étaient faibles de corps ou d’intelligence ? — C’est dans de telles circonstances que l’homme devient un esclave de la nature, et la femme un esclave de l’homme.

Venons à l’Inde, nous trouvons qu’il s’y est opéré une révolution dans les arrangements sociaux, qui tend, comme en Irlande, à ruiner le commerce domestique et suivie d’une ruine et d’une détresse « qui n’ont point d’égales dans les annales du commerce. » Quels êtres ont le plus souffert ? Les fils et les maris peuvent espérer trouver du travail au service de la Compagnie ; mais pour les épouses et les filles où trouver comment vivre ? Les hommes pourraient émigrer à Maurice, mais les femmes et les enfants doivent rester au pays. Poussé au désespoir par une suite d’oppressions, comme l’histoire du monde n’en offre pas de pareilles, ce malheureux peuple vient tout récemment de tenter un soulèvement, le territoire a été pendant deux ans le théâtre d’une guerre civile, la campagne a été dévastée, les bourgs et les villages incendiés, les grandes villes pillées, si même elles n’ont pas été à peu près détruites. Dans tous ces événements, quelle a été la condition des épouses, des mères, des sœurs, des filles exposées partout, comme elles l’ont été, aux plus indignes outrages[1] !

  1. Voici ce que raconte un officier anglais, témoin oculaire, de ce qui se passa après la prise d’assaut de Badajos, en 1812. Le lecteur pourra se faire quelque