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et que des hommes tels que Cincinnatus cultivaient les champs de leurs mains, la femme était généralement traitée à peu de chose près comme un meuble ; et cependant, dans l’acte d’hériter, le frère et la sœur se présentaient ensemble et se partageaient le patrimoine. À cette époque, le monde a dû Lucrèce, Virginie, Volumnie, et ce fait que pendant si longtemps les tribunaux de Rome n’ont pas eu à juger une seule cause de divorce. Plus tard, nous voyons le paupérisme envahir la cité, et des esclaves cultiver la terre ; les Catons vendre le privilège de cohabitation avec des meubles que peut-être ils avaient engendrés eux-mêmes ; et l’État dépouiller le sexe faible du seul privilège dont il avait joui longtemps. — Le droit de la femme à hériter fut aboli par la loi Voconienne, après avoir duré plus de six cents ans. La licence devint universelle ; on voit la sainteté du lien conjugal et la chasteté du sexe disparaître ensemble. — Pompée et César semblent affecter de violer l’une ; Messaline et Agrippine, Faustea et Poppée ont donné d’épouvantables exemples de la violation de l’autre.

La France, incessamment engagée dans des guerres étrangères et domestiques, présente à l’intérieur, pendant plusieurs siècles, des contrastes très-frappants dans la condition du sexe ; — l’abaissement et la pauvreté du grand nombre qui travaille, correspondant exactement à la magnificence du petit nombre qui vit en exerçant ses pouvoirs d’appropriation. À mesure que s’étendit le système féodal, que la terre se consolida et que les petits propriétaires disparurent, la demeure des femmes et des filles devint de moins en moins sûre ; — le droit de jambage et de cuissage fut si bien affirmé partout et généralement exercé, qu’on en arriva à tenir le fils aîné du tenancier plus honorable que ses cadets à cause de sa haute parenté probable avec le seigneur. — Au dehors, l’histoire de la France n’est qu’une intervention incessante dans les droits d’autrui. L’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Russie, l’Égypte, sont les différents théâtres de l’action. — C’est partout les villes ruinées, les maris et les fils tués, les épouses et les mères forcées de subir ce qui est le dernier des outrages pour leur sexe, et les filles réduites à demander à la prostitution leurs uniques ressources pour subsister. Formés au dehors au rapt et au meurtre, les fils de la France ont pratiqué chez eux ce qu’ils avaient si bien appris. — Il n’est pas en Europe un pays dont l’histoire domestique offre un