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La contrainte morale vient avec le développement du respect de soi-même, qui, à son tour vient avec le développement intellectuel. Pour que l’intelligence se développe, il faut qu’existe un pouvoir d’association qui résulte de l’existence de diversité dans la demande pour les facultés lointaines. Là où elle existe, l’homme acquiert pouvoir sur la nature et sur lui-même, — il cesse d’être l’esclave de ses passions et passe par degrés à la condition de l’être responsable, l’homme proprement dit, à chaque pas dans cette direction, le consommateur prend place à côté du producteur, l’agriculture devient de plus en plus une science, — le travail acquiert sa prééminence sur le capital, — la distribution devient plus équitable, — la société tend à prendre sa forme naturelle et l’homme prend sa liberté. Comme le système anglais tend partout à empêcher que se produisent ces effets, et à faire de l’homme un pur instrument à F usage du négoce, — il s’ensuit qu’il a donné naissance à la théorie de « la grande cause » de mal, et au grand remède, — la première qui a conduit à désespérer, tandis que l’autre force à s’abstenir du principal, même lorsqu’il n’est pas l’unique plaisir laissé à la disposition dans le présent. La science sociale, telle que l’enseignent MM. Malthus et Ricardo, a été fort

    contraire, il semble que plus un homme est misérable, plus il devient insouciant sur sa misère croissante. S’il était dans des circonstances aisées, il répugnerait à risquer quelqu’un de ses conforts ; mais un homme pauvre à ce point ne peut avoir de conforts à perdre. S’il n’a tout juste que de quoi satisfaire chétivement aux exigences de la nature, sans pouvoir se donner quelque satisfaction positive, il peut penser que sa situation si mauvaise ne saurait beaucoup empirer, et que ce n’est pas le cas de mettre en pratique la restriction personnelle dont il s’agit, par la crainte d’ajouter quelque peu à sa pauvreté (*). Peut-être pourrait-il être amené à ajouter le contentement de ses instincts, s’il y avait quelque chance pour que sa position l’améliorât ; mais, faute d’un tel espoir, il ne voit pas plus d’objection à faire à l’opportunité présente qu’à aucune autre qui se soit jamais présentée. Il peut même se persuader que se marier serait pour lui chose avantageuse ; il aurait des enfants pour l’assister dans sa vieillesse, qui autrement serait tout à fait à l’abandon. C’est peut-être le raisonnement qu’il se fait, s’il est en état de penser ; mais il est probable que ses infortunes lui ont ôté toute faculté de réfléchir et de songer à quoi que ce soit. Devant la sombre perspective qui s’ouvre à lui, il préfère fermer les yeux sur l’avenir et ne s’occupe que du présent ; Il s’attache à tout moyen d’alléger ses chagrins, sans calculer à quel prix. » Thornton. Causes of Over-Population, p. 120.
      (*) Le docteur Johnson, qui avait d’heureuses saillies, résumait ainsi ce raisonnement : « Un homme est pauvre. Il se dit : Je ne peux être pire, prenons Margot. » — Crocker’s Roswell, vol. II, p. 103.