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tandis que le résidu des terres à blé, envoyé sur le marché lointain, trouve sa place dans le sol d’Angleterre. Que le consommateur soit à côté du producteur, et ce dernier peut faire croître ces denrées que la terre fournit par tonneaux. Séparez-les, et le fermier se trouve borné à la culture de ces denrées qui se mesurent par boisseaux, si ce n’est par livres.

Regardez n’importe où, vous voyez que là où l’on crée des centres locaux, — où l’on ouvre des puits de mines, — où l’on construit des hauts-fourneaux, — où l’on améliore les chutes d’eau, pour établir des usines, — la terre gagne en valeur. Pourquoi ? Parce que là où consommateur et producteur sont côte à côte, la terre est affranchie de la taxe épuisante du transport, et que le possesseur se trouve à même de consacrer son temps, son intelligence et tout le capital, que dès-lors, pour la première fois, il a la faculté d’accumuler, à forcer les sols plus riches de lui donner les quantités considérables de subsistance qu’ils sont capables de donner ; — qu’il leur rend le résidu, et maintient par là son crédit à la grande banque sur laquelle il tire des mandats, désormais plus considérables. Pour qu’un bon sol de prairie fournisse aux frais qui le mettront en terre arable, il faut que le fermier ait près de lui un débouché pour son lait et sa crème, son veau et son bœuf. Pour qu’il puisse varier sa culture, et par là améliorer sa terre, il faut qu’il ait facilité de vendre ses pommes de terre et ses choux, aussi bien que son orge et son blé. Faute de débouchés, sa pomme de terre ne pouvant lui payer les frais d’une mise en terre arable, — il part pour l’ouest, où il s’appropriera plus de terre pour l’épuiser à son tour. De là il résulte qu’une population de trente millions d’âmes est aujourd’hui disséminée sur des millions de milles carrés, et forcée de consacrer une si grande part de son temps au travail de construire des routes, qui lui permettent quelque économie sur la taxe de transport, dont le payement l’appauvrit aujourd’hui.

Le système américain tend, en principe, à tirer de la grande banque de la terre tout ce qu’elle peut payer, sans lui rien donner en retour, — tendance qui est la conséquence directe de ce qu’il manque à protéger la population contre un système qui a pour but l’avilissement des prix de la terre, du travail et des produits de la terre[1]. Ce degré de prospérité auquel est parvenue la population

  1. « La production de blé diminue et la production de pommes de terre diminue !