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Pour qu’il se produise la diversité des emplois est la seule et indispensable condition. Sans elle il ne peut exister ni régularité dans la demande, ni continuité de mouvement, ni économie de l’effort humain, — ni augmentation de force. On en a la preuve dans ce rapide aperçu de l’histoire d’Angleterre, dans le mouvement de Sparte comparé à celui d’Athènes, dans celui de la France du moyen-âge comparée aux Pays-Bas, et dans celui de chaque nation du monde, selon qu’elle progresse ou décline en richesse, en force et en population.

Si nous prenons les différentes nations à l’époque présente pour les comparer l’une à l’autre, nous arrivons au même résultat que nous avons constaté en parcourant les différentes époques de l’histoire d’Angleterre. Dans l’Inde la demande du travail n’existe pas, et le peuple se vend volontiers pour être esclave à l’île Maurice. L’Irlande présente le tableau d’une constante déperdition de la force-travail ; les effets s’en manifestent par le vagabondage incessant d’une population malheureuse à la recherche d’un salaire de moissonneur, par l’émigration, par les famines et les maladies contagieuses. Il en est de même en Portugal et en Turquie, où il y a abondance de forces physiques et intellectuelles, sans que la demande y existe pour elles ; — de même à la Jamaïque, au Mexique, au Brésil, à Buenos-Ayres ; tous pays où vous trouvez un état de faits qui répond à celui que nous avons observé dans les premières époques de l’histoire anglaise, — le travailleur y étant le pur esclave de l’homme qui possède la terre, ou de celui qui fournit la nourriture et le vêtement à ceux par qui elle est cultivée[1].

  1. La population de la Jamaïque est libre de nom, mais il n’y a pas de liberté de fait possible sans le commerce qui résulte de la diversité d’emploi, comme nous le montre le rapport suivant fait sur la condition actuelle de l’île.
      « Une pétition récente, adressée au ministre d’État anglais, signale à son attention l’état de dissémination et la détresse qui pèse chaque jour davantage sur la population entière, et a réduit à la misère la plus complète un grand nombre d’habitants. La pétition est signée par M. Chitty, ex-président des assises trimestrielles et retraité ; M. Pinnock, négociant de Kingston ; M. Phinéas Abraham, l’associé le plus âgé de la maison Abraham et G. de Falmouth ; M. Hogdson, le chapelain du pénitencier général ; et M. Valpy, avocat, neveu du dernier lord justicier sir Joshua Rowe. Ils déclarent que la condition de la colonie est on ne peut plus déplorable, qu’on touche à une banqueroute et à une ruine générale ; que les terres n’ont nulle valeur que celle de la propriété bâtie ; on ne trouve point à emprunter même sur hypothèque. Les articles nécessaires de la consommation sont