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la main de l’homme pour émettre tous les trésors de son inépuisable fertilité[1].

Quant aux tropiques, nous y voyons se déployer une telle force de végétation luxuriante que, pour peu que l’homme abandonne ses travaux, à l’instant même ils disparaissent sous les arbres et la verdure[2]. Un espace de 150 mètres carrés, occupé par cent bananiers, donne, au rapport de Humboldt, plus de 2.000 kilogrammes de substance nutritive, — c’est-à-dire que la substance nutritive est comme 133 est à 1, si on la compare avec ce que donne la terre cultivée en blé, et comme 44 est à un avec ce que donne la terre cultivée en pommes de terre. Dans la république de l’Équateur, cette végétation prodigieuse ne cesse pas un instant, — la charrue et la faucille y fonctionnent à chaque saison de l’année. C’est de même à Venezuela et dans les vallées péruviennes : — l’orge, le riz, le sucre, y viennent à merveille et le climat permet d’emblaver et de récolter pendant toute l’année. On a calculé qu’à lui seul, le bassin de l’Orénoque suffirait à nourrir la race humaine toute entière. Trois arbres à pain fournissent abondamment à la nourriture pendant toute l’année d’un homme adulte[3]. Le riz donne cent fois la semence et le maïs trois cent fois pour le moins.

Néanmoins, ces riches terres sont presque tout à fait inoccupées ; c’est à peine si elles sont appropriées au service de l’homme. Pourquoi ? Parce que la nature est là toute puissante, — car c’est là que se trouve le plus haut degré de chaleur, de mouvement et de force. Sont-elles pour rester à jamais ainsi inutiles ? On peut répondre que les obstacles à leur exploitation excèdent de peu ceux qui, il y a deux siècles, s’opposaient à ce qu’on réclamât les riches prairies actuelles du Lancashire[4] ; ou ceux que rencontrent aujourd’hui les émigrants à l’ouest, lorsqu’ils veulent défricher les plus riches prairies[5]. Dans

  1. Guyot. Earth and Man, p. 231.
  2. Voy. précéd. vol. I, p. 120.
  3. « Un habitant de la mer du Sud, lorsqu’il a, dans le cours de sa vie, planté trois arbres à pain, a rempli ses devoirs vers sa famille aussi complètement qu’un fermier qui, chez nous, n’a pas manqué une seule année de labourer et semer, moissonner et battre ; bien plus, il ne s’est pas seulement assuré du pain pour sa vie, il laisse à ses enfants un capital en arbres. » — Cook. Voyages.
  4. Voy. précéd. vol. I, p. 132.
  5. Voy. précéd. vol. I, p. 125.