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exploités ; ce doit avoir été la même dans tous les vieux pays de l’Europe.

§ 2. — La nature va ajoutant perfection à perfection depuis les pôles jusqu’aux tropiques. Les plus riches sols du monde encore inoccupés, — la nature y étant toute puissante. Par l’accroissement de population et de richesse, l’homme est mis en état de tourner contre elle ses propres forces à mesure qu’il les conquiert, — passant ainsi par une marche continue d’un triomphe à un autre, et soumettant les sols les plus fertiles.

« La nature, comme on nous dit et comme nous avons sujet de le connaître, — va ajoutant perfection à perfection dans les pôles jusqu’au tropiques excepté dans l’homme[1] » C’est ce qu’elle fait en descendant des pics neigeux de l’Himalaya aux sols plus riches qui les entourent, soit qu’elle marche vers les chaînes de la Sibérie ou le bassin du Gange, vers les terres humides de la Chine, ou les rivages Ægéens ; — le globe pris en masse n’étant presque une répétition, sur une plus grande échelle de ce qui se voit dans chacune de ses divisions, grandes ou petites.

Le tout a été donné pour l’usage de l’homme, — pour lui être soumis, — et pourtant combien elle est petite la partie qu’il a, en ce moment, soumise à son usage ! Regardez n’importe où, les plus riches sols restent inoccupés. — La Suisse compte une population nombreuse, tandis que les riches terres du bas Danube sont en dévastation ; — les hommes se rassemblent sur les pentes des Andes, tandis que les riches sols de l’Orénoque et de l’Amazone restent à l’état de nature, — et que la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Irlande présentent, sur une échelle plus petite, un état de choses exactement semblable. Ces faits vous conduisent, et cela nécessairement, à croire que l’homme n’a que peu avancé dans l’accomplissement du commandement divin ; et pourtant, n’importe de quel côté nous nous tournons, nous rencontrons cette assertion : que toute la pauvreté et la dégradation de l’humanité est le résultat d’une grande erreur dans les lois divines, en vertu desquelles la population tend à augmenter plus vite que les subsistances et les denrées premières, nécessaires à la satisfaction de ses besoins et à l’entretien de ses forces[2].

« L’Amérique, dit un écrivain contemporain distingué, regorge d’une richesse végétale, non exploitée et solitaire. Ses immenses forêts, ses savanes couvrent, chaque année, le sol de leurs détritus, qui, accumulés depuis les longs âges du monde, forment cette couche épaisse de terre végétale, ce sol précieux qui n’attend que

  1. Guyot. Earth and Man, p. 258.
  2. Les rapports de récents voyageurs s’accordent à nous montrer que, même en Chine, une quantité considérable de terres d’un haut degré de fertilité reste sans culture.