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grés la forme la plus élevée, celle de l’homme, avec un accroissement constant dans le pouvoir d’association, dans le développement des différentes facultés des hommes pris individuellement et dans la vitesse avec laquelle la consommation suit la production.

§ 8. — Salaire et production de la population de l’Écosse dans le passé et au temps présent.

Alors que la population de l’Écosse était au-dessous d’un million d’âmes, et par conséquent n’avait qu’un faible pouvoir de combinaison, quelle était sa condition ? Elle ne comptait pas moins que deux mille mendiants allant de porte en porte. L’homme y était l’esclave de la nature, et dans un état si déplorable, que Flechter de Saltoum ne voyait d’autre remède que de le faire l’esclave de l’homme. C’est une idée qu’a reproduite de nos jours, à propos du peuple anglais, un des écrivains anglais les plus distingués[1].

Les famines étaient alors fréquentes et sévères, étendant leurs ravages sur tout le pays. De 1693 à 1700, période qu’on a qualifiée « la plaie des sept années, » le mal fut si grand que des paroisses entières furent à peu près dépeuplées. Les famines de 1740 à 1782-83 furent remarquablement terribles ; grand nombre d’individus périrent de besoin[2]. On raconte que des fermiers eurent recours à l’expédient de saigner leur bétail « pour se nourrir de ce sang. » Et même, sans remonter au delà de soixante-dix ou quatre-vingts ans, la condition du paysan était telle qu’en s’imposant les plus rudes privations, à peine pouvait-il fournir à son existence sans acquitter la moindre rente au propriétaire du sol. Il était vêtu de l’étoffe la plus grossière ; son mobilier, ses outils de jardinage étaient pour l’ordinaire faits de sa main ; il vivait de la récolte du champ, généralement de l’avoine, des légumes, du lait. S’il ajoutait par hasard quelque peu de viande, c’était quelque pauvre animal, le rebut du troupeau, indigne d’aller figurer au marché[3]. L’état de la campagne était primitif au delà de ce qui se peut imaginer. Les terres de la meilleure qualité restaient en friche, ou cultivées sans aucun soin. L’éducation, les manières, l’habillement, le mobilier, la table de la noblesse étaient moins distingués, moins conve-

  1. Carlyle. Latter-Day Pamphlet.
  2. Sainclair. Statistical accounts of Scotland. vol. VI, p. 121.
  3. Rév. M. Smith, cité par Mac-Culloch, Statistics of the British Empire, vol. I, p. 509.