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La race humaine étant dans un état de transition, nous avons largement toutes raisons de croire que le rapport qui existe entre son aptitude à multiplier, et son pouvoir d’entretenir la vie n’est pas une quantité constante, — la loi de cause étant une, mais les effets étant modifiés par des changements presque incessants dans les conditions sous lesquelles elle fonctionne. Dans certains états de société, nous trouvons la production prenant l’avance sur l’approvisionnement de subsistances, — en admettant que nous prenions pour les termes du problème la loi apparente pour la véritable, en conformité avec l’opinion de M. Malthus. Dans d’autres conditions de société, par exemple chez les Indiens de l’Amérique du Nord, une telle disproportion n’existait pas, avant l’immigration européenne. Ce n’est que dans certaines conditions de société, ayant la prétention d’être civilisée, que l’histoire donne quelque couleur à l’assertion contraire à notre théorie d’équilibre et d’harmonie, — la prépondérance de population dans un pays tel que l’Irlande étant cependant bien constatée comme un mode provisionnel et nécessaire d’une vie relativement luxuriante dans le but de réparer la déperdition, résultat d’un désordre sociétaire et individuel. Ce n’est pas là cependant la condition normale de l’existence humaine, — ni le résultat régulier de la loi suprême qui régit la constitution des choses. C’est une conformité accidentelle de forces constitutionnelles à des exigences accidentelles.

Considérons maintenant le progrès constant et la perfection finale de civilisation, que pouvons-nous attendre du fonctionnement de la loi d’adaptation spontanée, dont nous avons ainsi cherchée constater l’existence ? Tous les faits du passé tendent à prouver que le travail simplement musculaire, le travail qui n’est point éclairé, en compagnie d’un sentiment général de sécurité, et néanmoins non assaisonné de ces préoccupations qui stimulent l’action du système nerveux du sauvage, favorise la fécondité, ou lui permet d’atteindre le plus haut point comme par l’expérience, — cette fécondité étant accompagnée d’une mortalité considérable. Comme cependant la civilisation tend à substituer les forces de la nature à l’effort humain, la vie des masses n’est pas dans l’avenir pour être sujette aux modes les plus inférieurs de travail, — et le résultat nécessaire est celui-ci : ou cette vigueur physique décline, ce qui réduit la fécondité, ou cette diversion d’énergie qui passe du système musculaire au sys-