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du nord de l’Angleterre au siècle dernier, comme vivent les paysans d’Écosse aujourd’hui.

On lit dans un écrivain du règne d’Élisabeth, alors que la population ne devait pas dépasser le chiffre de 3 millions et demi : « Le pain, dans tout le royaume, se fait avec telle ou telle espèce de grains dont la culture domine dans la localité ; néanmoins la classe aisée a généralement la provision de blé pour fournir à sa table, tandis que sa domesticité et les voisins pauvres doivent se contenter de seigle et d’orge ; et même en temps de disette plusieurs se nourrissent d’un pain fait avec des fèves, des pois, des criblures de grain ou toute autre substance à laquelle on mêle un peu de grain ; triste expédient auquel on recourt d’autant plus vite que l’on est plus pauvre et moins en état de se procurer mieux. » Et il ajoute : « Je n’affirmerai pas que l’expédient est mis en pratique aussi souvent dans les années d’abondance que dans celles de disette ; mais si j’avais à fournir les preuves, cela me serait facile. » Et plus loin : « L’artisan et l’ouvrier sont réduits à se contenter d’avoine, fèves, pois, criblures, ivraie, lentilles. »

En énumérant les désordres du royaume, un éminent lord justicier du Somershire raconte, en 1596 : « qu’on a exécuté dans une année quarante condamnés pour brigandages, vols et autres crimes ; qu’on a brûlé le poing à trente-cinq, que trente-sept ont subi la peine du fouet, et que vingt-trois prévenus ont été acquittés, et que, nonobstant un tel nombre de mises en jugement, l’action de la justice n’atteignait pas la cinquième partie des crimes qui se commettaient dans le comté. Les magistrats étaient contenus par la crainte qu’inspiraient les sociétés et les menaces de leurs affiliés. » Sir Francis Éden ajoute, et fort judicieusement, « que la cause probable de ces désordres est dans la difficulté de trouver de l’emploi pour l’excédant des bras que la culture ne peut occuper. »

C’était là en effet la cause réelle de la difficulté. L’Angleterre continuait encore à être une nation purement agricole, exportant des subsistances et important tout produit d’industrie manufacturière de la population riche des contrées qui bordent le Rhin. Elle avait alors peu de pouvoir d’association, peu de développement d’individualité, et peu de pouvoir dans sa population pour s’aider des précieux trésors de houille et de minerai qui gisaient sous ses