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tives de toute moralité[1], que l’infanticide s’y commet en nombre effrayant[2] — et que la démoralisation y marche avec une rapidité presque sans exemple[3].

Que l’homme gagne en liberté et en sentiment de responsabilité à mesure qu’il y a rapprochement entre les prix des matières premières et ceux des utilités achevées, — les premières se mettant en hausse, les seconds s’abaissant, — c’est un grand principe dont la vérité est attestée par l’expérience de toutes les nations du monde passé et présent. C’est précisément le contraire qui est la doctrine sur laquelle se fonde la politique anglaise, le travail à bon marché, les matières premières à bon marché sont regardés comme les grands objets à désirer. Dans cette direction se trouve l’escla-

  1. Voy. précéd. vol II, p. 498. — « Les détails que nous recevons de tous les points du pays montrent que ces misérables cottages sont encombrés à l’excès d’habitants et que l’encombrement va toujours croissant. Des gens des deux sexes et de tout âge, mariés et non mariés, — père et mère, frères, sœurs et étrangers, — couchent dans la même chambre et souvent n’ont qu’un lit en commun. On nous cite six individus de sexe et d’âge différents : deux sont le mari et la femme, qui couchent dans le même lit, trois ont la tête au chevet, trois ont la tête au pied du lit… Ce ne sont pas là des exemples isolés ; nous recevons des rapports semblables de visiteurs sur tous les points du pays. — Kay. Social Condition of England, etc., vol. I. p. 472.
  2. « Il a été déclaré par le coroner de Leeds, et le chirurgien regarde la chose comme très-probable, qu’on peut évaluer à environ trois cents le chiffre des infanticides qui se commettent à Londres par année, sur des enfants soustraits à la déclaration légale. En d’autres termes, trois cents enfants sont mis à mort pour éviter les conséquences de leur existence ; et ces crimes, comme dit le coroner, ne sont jamais découverts. » — Leader.
      « Il est bien avéré que l’habitude existe dans les classes les plus dégradées de nos pauvres de plusieurs de nos villes, d’introduire leurs enfants dans ces clubs funéraires (burial), et alors de les faire mourir, soit de faim, soit par les mauvais traitements ou le poison ! Se peut-il imaginer un plus horrible symptôme de dégradation morale ? L’esprit se révolte à un tel récit, et voudrait le rejeter comme une monstrueuse fiction. Mais, hélas 1 la chose ne semble que trop vraie. » Kay, vol. I, p. 433.
      M. Kay, à propos de ces faits et d’autres du même genre, ajoute : « Ces récits sont en réalité presque trop horribles pour être crus de tout le monde ; et si nous ne les tenions pas d’une autorité qui a une si grande expérience et tant de charité, nous serions tenté de les rejeter complètement. — Mais, hélas ! ils ne sont que trop vrais. Il est impossible de mettre en doute qu’une grande partie des classes les plus pauvres de ce pays est plongée dans un si effroyable abîme de désespoir, de misère et de dégradation morale, que des mères elles-mêmes oublient leur affection pour leurs enfants dénués de tout, et les tuent comme un boucher tue ses agneaux, pour faire argent du meurtre (in order to make money by their murder), et avec cela diminuer le paupérisme et leur misère. » — Ibid., p. 446.
  3. Voy. précéd. vol. I, p. 432,