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de bouches, tandis que la seule machine de laquelle il puisse tirer son aliment perd de ses pouvoirs. Le lecteur a déjà vu jusqu’à quel point le Danemark a poussé la division de la terre et quels résultats il a obtenus. — La condition de la population y fournit « la démonstration vivante de l’inexactitude, de la théorie que la population augmente plus vite que la subsistance lorsque la terre est tenue par de petits propriétaires travailleurs[1]. »

En Allemagne la terre change constamment de mains, les gens de toute classe, dès qu’ils se trouvent en mesure de réaliser le premier et le plus grand vœu de leur vie, achètent de la propriété foncière. « Partout, dans le pays, chacun a la conviction qu’on a sa destinée dans ses propres mains, que la position dans la vie dépend des efforts que l’on fait, que pour s’élever dans le monde il suffit d’être assez patient et laborieux, qu’on peut gagner une position indépendante avec de l’habileté et de l’économie, — qu’il n’est point de barrière insurmontable qui vous empêche de faire un pas de plus dans l’échelle sociale, — qu’on peut arriver à acheter une maison et un faire-valoir — et que plus on a d’industrie et de prévoyance, mieux on établit sa famille. » Cette conviction « donne aux travailleurs des pays où la terre n’est pas liée dans les mains de quelques hommes, une élasticité de sentiments, une espérance, une énergie, un plaisir à économiser et à travailler, un dégoût pour la dépense en grossières sensualités, qui n’ont pour résultat que de diminuer le bien acquis, — et une indépendance de caractère que ne peuvent connaître les travailleurs dépendants et sans espoir de l’autre pays (l’Angleterre). Bref, la vie du paysan dans ces pays où la législation ne s’oppose pas à la subdivision de la terre est une école de la plus haute moralité. Sa position indépendante le stimule à améliorer son genre de vie, à économiser, à s’ingénier, à bien employer ses ressources, à acquérir de la moralité, à user de prévoyance, à s’instruire en agriculture, à donner à ses enfants une bonne éducation, afin qu’ils puissent améliorer le patrimoine et la position sociale qu’il leur léguera[2]. »

L’espérance est la mère de l’industrie, — qui, à son tour, produit le respect de soi-même et la sobriété et la modération dans toutes

  1. Voy. précéd., ch. XXII, sect II.
  2. Kay. Social Condition and Education of the Peuple of England and of Europe, vol. I, p. 200.