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» En France, continue-t-il, la propriété est largement répandue, la population s’accroît, et cependant le chiffre des naissances diminue. De ces enfants qui naissent, il en vit davantage pour grossir la population, quoique la moyenne actuelle des naissances soit inférieure d’un tiers à celle des pays où la propriété n’est pas répandue comme en France. N’est-ce pas là une preuve satisfaisante que la grande expérience sociale tentée en France fonctionne bien ? Le chiffre des enfants qui s’élèvent comparé à celui des naissances, est le témoignage le plus certain de bien-être et de bonne condition sous le rapport de la nourriture, du logement, des habitudes domestiques des parents, — chez le peuple[1].

Regardez n’importe où, la France est le pays des anomalies, et c’est pourquoi elle présente tant de phénomènes difficiles à expliquer. La division de la terre tend à faire de chaque homme un être ayant la disposition de lui-même et responsable, — en même temps que la centralisation politique tend à en faire un pur instrument dans les mains de ceux qui dirigent le vaisseau de l’État. La taxation, dans sa forme pécuniaire, monte à une somme effrayante, et il y faut ajouter l’obligation forcée du service militaire pendant plusieurs années et à un salaire purement nominal. La centralisation est la cause de dépenses énormes à Paris et autour de Paris, — le gouvernement ne recule devant rien de ce qui peut accroître l’attraction de la capitale, bien que cela diminue les attractions particulières des provinces. Il en résulte une disproportion qui va croissant entre la population de la capitale et celle du reste du pays, — le pouvoir d’association s’affaiblit dans les districts ruraux. Comme conséquence naturelle, on y souffre davantage des maladies, des disettes, des révolutions politiques ou commerciales ; la demande du travail ou la fourniture de subsistance y diminuent beaucoup. La loi de la composition de forces demande à être soigneusement étudiée par qui veut acquérir la science sociale ; — il n’est pas un mécanisme quelconque qui soit soumis à l’action de forces aussi nombreuses et aussi variées que le mécanisme d’une société. L’économie politique moderne, au contraire, enseigne que tous les maux de la société résultent d’une seule grande force qui pousse l’homme dans une fausse direction, — qui accroît le nombre

  1. Notes of Traveller, p. 167.