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Il y a vingt-cinq ans la liberté était regardée comme la coutume du pays, — l’esclavage ne subsistait que comme une conséquence de lois locales. Aujourd’hui les cours décident que l’esclavage est la coutume, — la liberté tenant son existence des lois locales.

Il y a vingt-cinq ans c’était la coutume de regarder les fonctionnaires chargés de manier les affaires publiques, comme ayant droit à rester en office, tant qu’ils s’acquittaient de leurs devoirs à l’avantage de la population, — on leur laissait le libre exercice de leur jugement privé dans leurs prédilections politiques et dans le choix de leurs subordonnés. Jusqu’alors la tendance avait été vers l’établissement de manufactures, et par conséquent vers la concurrence de la demande privée et publique des facultés intellectuelles. Cependant dès l’instant même où fut adoptée la politique du libre échange, la coutume de liberté disparut parmi les fonctionnaires publics. La durée de l’office fut fixée par la loi. Ce fut mettre en action la doctrine : au vainqueur appartiennent les dépouilles.

La concurrence par les individus, pour l’achat du travail, tend donc à décroître. La concurrence pour sa vente au public tend à croître, — comme on le voit dans la création d’une bande de solliciteurs d’emplois plus importune, et de fonctionnaires plus complètement serviles, qu’on en puisse trouver dans aucun autre pays du monde. Ce que les bandes prétoriennes étaient pour l’empire romain, les fonctionnaires le deviendront avant peu pour les États-Unis.

N’importe ou vous regardez, la concurrence pour la vente du travail s’accroît dans les pays qui suivent les traces de l’Angleterre et adoptent la politique inculquée par ses économistes. La concurrence pour son achat s’accroît dans ceux qui prennent exemple de la France et adoptent la politique dont Colbert prit l’initiative. Dans la dernière le sol s’amende, — le rapprochement va s’opérant entre les prix des matières premières et ceux des utilités achevées, — l’agriculture s’élève à l’état de science, — la production augmente, — la circulation s’accélère — et la matière tend de plus en plus à revêtir la forme de l’homme ; et plus l’accroissement de population marche vite, plus augmente la fourniture d’aliments et de vêtements. Dans les premiers pays, l’écart entre les prix va s’augmentant, — l’agriculture décline, — la production diminue, — et l’on constate de plus en plus la maladie d’excès de population.