Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/259

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’homme gagne en liberté à mesure que s’opère un rapprochement entre les prix des denrées premières et des utilités achevées. — À chaque pas, dans cette direction, diminue la concurrence pour les services de l’homme intermédiaire, qu’il agisse eu qualité de soldat ou de matelot, de régisseur de nègres de négociant, d’amiral, de général ou de ministre d’État. La politique de la Grande-Bretagne et des États-Unis, ayant pour base l’idée d’accroître la demande de navires et de matelots, de soldats et de trafiquants, tend, et cela fatalement, à l’asservissement de l’homme, en conformité avec les enseignements de l’école Ricardo-Malthusienne[1].

§ 14. — La concurrence pour l’achat du travail tend à donner à la coutume force de loi en faveur du travailleur. La concurrence pour sa vente tend à anéantir les droits coutumiers en faveur du capitaliste. La première augmente dans tous les pays qui sont protégés contre la centralisation trafiquante ; l’autre augmente dans tous ceux qui y sont soumis. Dans les uns la circulation sociétaire s’accélère ; dans les autres elle se ralentit et la maladie de l’excès de population s’accroît.

« En réalité, dit M. Mill, ce n’est qu’à une époque comparativement récente que la concurrence est devenue, dans une proportion considérable, le principe régulateur des contrats. Plus nous nous reportons à des époques reculées de l’histoire, plus nous voyons toutes les transactions et tous les engagements placés sous l’influence de coutumes fixes. La raison en est évidente : la coutume est le protecteur le plus puissant du faible contre le fort ; c’est l’unique protecteur du premier lorsqu’il n’existe ni lois, ni gouvernement pour remplir cette tâche. La coutume est la barrière que, même dans l’état d’oppression la plus complète de l’espèce humaine, la tyrannie est forcée jusqu’à un certain point de respecter. Dans une société militaire en proie à l’agitation, la concurrence libre n’est qu’un vain mot pour la population industrieuse ; elle n’est jamais en position de stipuler des conditions pour elle-même au moyen de la concurrence : il existe toujours un maître qui jette son épée dans la balance, et les conditions sont celles qu’il impose.

    mieux que de la charogne. Dans le cas d’engagement pour un long voyage, par exemple, toucher à San-Francisco, Chine, Londres et New-York et qu’il est dû aux matelots une bonne somme, il est des capitaines de clippers de New-York, bien connus pour maltraiter si rudement leurs équipages avant de toucher Londres, qu’ils les forcent de déserter et de perdre ainsi le montant de leur solde Les capitaines qui rentrent à New-York avec le même équipage sont tellement rares qu’on les cite comme des exceptions à la règle. » — New-York Tribune.
      Ceci a eu pour effet que le taux d’assurance pour les navires américains a été toujours s’élevant. — La moyenne est de plus d’un tiers au-dessus de ce qu’elle était il y a vingt ans. N’importe où vous regardez la sécurité va diminuant, tandis qu’augmente le coût auquel on l’obtient. C’est la voie qui conduit à l’esclavage et à la barbarie.

  1. J.-S. Mill. Principles of Political Economy, livre II, ch. IV. Traduit par Courcelles-Seneuil. Guillaumin, Paris, 1854.