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encore plus périssable que les oranges ou les pèches, la nécessité pour sa vente instantanée est encore plus urgente. Le marchand qui a mis son sucre en magasin, le fermier qui a engrangé son grain peuvent obtenir des avances qu’ils restitueront après la vente de leurs utilités. Le travailleur ne peut obtenir l’avance sur son heure présente, — puisque son utilité périt aussitôt que produite.

Bien plus. Le marchand peut continuer à manger, à boire, à user des habits, — alors même que sa marchandise périt dans ses mains. Le fermier peut manger ses pommes de terre après que la vente des pêches a manqué. Le travailleur doit vendre son énergie potentielle, n’importe à quel prix, ou périr faute d’aliments. Il n’est point d’utilité à l’égard de laquelle la présence ou l’absence de concurrence exerce une influence plus grande qu’à l’égard de la force humaine. Qu’il se présente deux hommes pour l’acheter, le possesseur, celui qui vend, est libre ; qu’il se présente deux hommes qui doivent vendre, ils deviennent esclaves. Toute la question de liberté ou d’esclavage pour l’homme est contenue dans celle de la concurrence.

§ 2. — Lorsque manque la concurrence pour l’achat du pouvoir-travail, le travailleur devient esclave. Ce pouvoir est la seule utilité qui ne puisse se conserver, même pour un instant, au-delà de celui de sa production.

L’homme qui trouve un acheteur pour son propre travail fait concurrence pour acquitter le travail des autres. Plus est instantanée la demande pour ses services, plus s’accroît son pouvoir d’acheter, et plus instantanée est sa demande pour les services des autres, — plus la circulation s’accélère, — plus la production devient considérable — et plus s’accroît la tendance à l’accumulation. Tout homme qui a à vendre du travail physique ou intellectuel est donc intéressé à favoriser l’accélération de la circulation sociétaire. — C’est dans cette direction qu’il doit viser ; s’il désire que s’établisse, pour Tachât de ses propres services, la concurrence qui le mette à même d’obtenir en échange la plus grande somme des nécessités, des convenances, des conforts et des jouissances de la vie.

Ce qui est vrai pour l’homme, pris individuellement, l’est également pour les sociétés composées de millions d’hommes. — La nation dont les membres trouvent une demande instantanée pour toutes les forces du corps et de l’intelligence, se trouve par là en mesure d’avoir beaucoup à offrir en échange pour le travail des autres nations, et de pouvoir consommer beaucoup de ce qui a été produit par elles. Chaque communauté est donc directement inté-