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CHAPITRE XLV.

DE LA CONCURRENCE.

§ 1. — Lorsque manque la concurrence pour l’achat du pouvoir-travail, le travailleur devient esclave. Ce pouvoir est la seule utilité qui ne puisse se conserver, même pour un instant, au-delà de celui de sa production.

Faute de trouver un concurrent pour l’achat de ses services, Vendredi fut heureux de se vendre pour la nourriture et l’habillement — et de devenir l’esclave de Crusoé. S’il y eût eu dans l’île une demi-douzaine de Crusoés, leur concurrence lui eût donné la faculté de choisir parmi eux, — d’exercer ce pouvoir de self-gouvernement, disposition de sa personne, qui distingue l’homme libre de l’esclave.

Achetez vous ? vendez-vous ? L’homme qui possède une utilité et qui doit vendre est forcé d’adresser la première de ces questions ; — et pour cette raison il obtient 10, 20 ou 30 % de moins que ce qui autrement pourrait passer pour un bon marché. Son voisin qui achète et n’est pas forcé de vendre, attend pour vendre, — et il obtient un prix peut-être au-dessus du prix ordinaire. Si c’est le cas pour des utilités et des objets qu’on peut garder en attendant un acheteur, combien le sera-ce davantage lorsqu’il s’agit de cette énergie potentielle, résultat d’une consommation d’aliments, qui ne peut se conserver, même rien qu’un instant, aussitôt qu’elle a été produite. Le négociant accepte le prix du marché pour ses périssables oranges, quelle que soit la perte, — sachant qu’il perdra davantage à chaque jour de retard. Il met son fer en magasin et attend un prix meilleur. Le fermier vend ses pèches sur l’heure à tout prix ; mais il engrange son blé et ses pommes de terre, — parce qu’il espère des prix meilleurs. L’utilité du travailleur étant