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capable de se suffire à elle-même, dût-elle être pour toujours privée de communication avec le reste du monde. Plus se perfectionne le pouvoir de l’individu de commander les services de la nature, plus s’accroît sa richesse, — plus il s’individualise et devient indépendant, — mais aussi plus il acquiert d’aptitude pour sa combinaison avec ses semblables. Il en est de même pour les communautés ; — leur aptitude à entretenir des rapports avec les autres s’accroît à mesure qu’elles sont de plus en plus en état de se suffire à elles-mêmes.

Entrons chez un de ces heureux fermiers, « Il est entouré de sa femme et de ses enfants, il occupe la place d’honneur parmi les objets de son affection et c’est parmi eux qu’il cherche le bonheur. » Supposer que cette concentration des pensées rende l’homme incapable d’association avec ses semblables, serait une grande erreur, — car la faculté de ne point s’éloigner de sa demeure est une conséquence directe de la facilité croissante de la combinaison. Avec le meunier à côté de lui, il n’est point obligé de quitter sa ferme, pour faire transformer son grain en farine. S’il a pour voisins le tanneur, le chapelier, le tisserand, il discute avec eux le tracé d’un chemin, l’ouverture de rues dans le petit bourg, la construction d’une église, d’une école ; il combine avec eux et tout le voisinage des mesures de sûreté commune, et aussi avec eux les contributions à ce sujet. La combinaison développe la sécurité, facilite l’accroissement de richesse, et à son tour la richesse lui permet de plus en plus de concentrer ses pensées et d’économiser son temps. Ceci à son tour facilite un nouvel accroissement de richesse, car il est mis de plus en plus à même de réfléchir sur les mesures favorables à la prospérité commune, — de donner de son loisir pour venir en aide à ceux qui ont moins bien réussi que lui — de dépenser du temps et de l’intelligence à acquérir plus de connaissances, —et ainsi de faire progresser, de toutes les manières, les intérêts de la société dont il a le bonheur d’être membre. Les travaux publics se divisent, la tâche de chacun est légère — et ces travaux coûtent peu exécutés par ceux-mêmes qui contribuent à en faire les frais. Tout le monde ainsi occupé, la richesse augmente vite, en même temps que diminue la quantité de l’effort requis pour le maintien de cette sécurité entière de la personne et de la propriété, sécurité dont le désir est ce qui pousse l’homme à s’associer avec ses semblables.