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de mieux rémunérer le travail. » C’est le contraire qui est vrai. Les hommes prennent toujours les meilleurs qu’ils puissent exploiter ; mais toujours, dans une société qui débute, en passant des plus pauvres aux meilleurs, tandis que M. Ricardo les fait passer des meilleurs aux pires. On arrive à des conclusions beaucoup plus exactes quant aux mesures politiques qui résultent nécessairement, si l’on adopte la loi réelle d’occupation que si l’on adopte la loi imaginaire dont il se fait l’avocat, — car, dans le dernier cas, la tendance nécessaire de cette loi, qui agirait sans restriction, aboutit à la dispersion des hommes, et, par suite, à l’affaiblissement du pouvoir de combinaison, l’épuisement du sol et l’asservissement de ceux qui le cultivent. Dans le premier cas, on voit les lois naturelles tendre à l’accroissement de l’association et de la combinaison, à l’accroissement de productivité du sol et du pouvoir du travailleur. — Elles poussent l’homme d’État, et de la manière la plus évidente, à adopter des mesures analogues à celles de Colbert, et à celles qui se pratiquent aujourd’hui avec tant de succès en Belgique, en Allemagne, en Russie et dans les autres pays qui sont dans dans la même voie que la France.

En grand désaccord avec les partisans du système de Ricardo, un économiste distingué, qui appartient à la France, s’exprime ainsi : « La doctrine de M. Carey est beaucoup plus satisfaisante pour le sens commun. Les faits l’attestent ; ce n’est qu’à une époque très-avancée qu’on a attaqué les forêts vierges, endigué les rivières pour en cultiver les bords, desséché les marais, assaini les plaines humides, enfin mis en culture ces terrains qui, présentant une couche de terre végétale, formée par les débris de la vie végétale et animale, sont destinés à offrir une fertilité sans égale… Mais ici l’on insiste : « Qu’importe, ont dit quelques économistes, qu’importe l’ordre de culture ? Du moment que l’on reconnaît une inégalité de production dans les différentes parties du sol, il y a inégalité de revenu : il y a une rente, « Nous ne nions pas le fait de la rente. Nous disons seulement qu’en supposant la mise en culture des terres de moins en moins fertiles, Ricardo s’est condamné à soutenir implicitement que le travail grossier, peu intelligent, des premières époques est le mieux rémunéré ; qu’il s’est condamné à attribuer à la rente une importance disproportionnée, à appeler de ce nom ce qui est un véritable profit, le profit de longues avances faites pour