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pauvre et solitaire donnait toujours la préférence à ceux dont « la puissance originelle et indestructible « était la plus grande ; que la rémunération du travail de culture fut alors très large ; que la terre étant abondante et tout le monde ayant la liberté de choisir parmi les sols les meilleurs, la rente fut alors inconnue, — le travailleur gardant pour soi la production entière de sa terre ; qu’avec l’accroissement de richesse et de population — les sols les meilleurs se trouvant appropriés par les premiers exploitants, — une nécessité vint de cultiver des sols d’une qualité moindre ; qu’en simultanéité avec cette nécessité pour les membres les plus pauvres de la communauté, surgit du côté des gens riches un pouvoir d’exiger une rente comme compensation pour l’usage des sols exploités les premiers ; que plus le progrès de population et de richesse a été rapide et plus a été grande la nécessité de recourir aux sols de qualité moindre, — ce qui a fait monter constamment le taux de la quote part du produit demandable comme rente ; que la rente a monté à mesure que le travail est devenu moins productif, en même temps que gagnaient en pouvoir les propriétaires du sol et que perdaient par conséquent ceux qui le travaillaient ; que cette marche des choses dans le passé se continuera à plus forte raison dans l’avenir, « la stérilité croissante du sol devant infailliblement l’emporter à la longue sur tous les perfectionnements des machines et de l’agriculture ; » et qu’ainsi donc le temps viendra infailliblement où des masses énormes de population « devront mourir de faim comme par coupes réglées. » Depuis lors c’est sur la nécessité de recourir aux sols de qualité moindre qu’on a rejeté le vice et la misère qui se trouvent sur le globe, — le tout devant être imputé à l’erreur du Créateur qui a soumis l’homme à des lois en vertu desquelles la population tend à s’accroître à mesure que la puissance de la terre diminue.

Une observation plus attentive nous a cependant conduit à affirmer : que c’est exactement l’inverse qui s’est passé dans le monde, — la culture ayant, et cela invariablement, commencé par les sols pauvres et l’accroissement de population et de richesse étant marqué par un accroissement correspondant du pouvoir de commander les sols plus riches ; que la rémunération du travail donné à la culture tend par conséquent constamment à s’accroître ; que le taux de la quote-part demandable par les propriétaires des sols