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régularité, en raison de la plus grande régularité de la demande[1].

Au bon vieux temps de la joyeuse Angleterre, alors que la terre fertile abondait et que la population était peu nombreuse, les porcs saxons erraient dans les forêts, — vivant du gland de vieux chênes que leur propriétaire n’avait pas les moyens d’abattre. Plus tard, un famélique mouton végétait sur des terres incapables de produire du grain. C’est à peine si l’on avait des vaches et des bœufs, — les terrains de riches pâturages étant couverts de bois ou tellement saturés d’humidité qu’ils ne rendaient aucun service. Les filles d’honneur se régalaient de lard, les travailleurs faisaient festin d’une « bouillie de gruau, » comme cela se voyait encore il n’y a pas soixante-dix ans chez beaucoup de paysans des comtés du nord, ces mêmes comtés qui présentent aujourd’hui les plus belles fermes de l’Angleterre, — ces comtés de sols riches qui attendaient alors l’accroissement de population et de richesse. Du morceau de lard était à ces époques un objet de luxe qu’on rencontrait rarement sur la table du travailleur. Il y a tout au plus un siècle, une grande partie de la population se nourrissait de pain d’orge, de seigle et d’avoine, — le froment n’était qu’à l’usage du riche. Il est aujourd’hui à l’usage de tout le monde ; et pourtant sans remonter plus haut qu’à l’année 1727, aux environs d’Édimbourg, un champ d’un huitième d’acre portant du blé passait pour une curiosité. Ceci donne une idée de ce que pouvaient être alors les Lothians et les différents comtés du nord d’Angleterre, où se voit aujourd’hui l’agriculture la plus prospère. À ces époques les hommes cultivaient non les meilleures terres, mais celles qu’ils pouvaient cultiver, laissant les riches terres pour leurs successeurs, — ils ont fait ce que font journellement sous nos yeux les settlers, les colons des prairies de l’ouest.

En même temps que le pain de froment a succédé au mélange d’orge, de seigle et de glands, que jadis on qualifiait pain, et qu’on supposait plus nourrissant parce qu’il restait plus longtemps dans

  1. « Que l’on compare l’état de ce pays ou celui de tout autre pays de l’Europe avec ce qu’il était il y a cinq cents ans ou même cent ans, et l’on reconnaîtra avec satisfaction que de grands progrès se sont accomplis ; que les moyens de subsistance se sont accrus plus vite que la population, — et que les classes ouvrières jouissent aujourd’hui de plus de confort et même de plus de luxe que les plus riches seigneurs d’autrefois. Mac-Culloch. »