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puisse induire la population de cette époque et de ce lieu à accumuler des épargnes et à les employer d’une manière productive — ce minimum variant selon les circonstances. » C’est cependant lorsque les gens sont le plus poussés à épargner, qu’ils sont le plus enclins à entasser et le moins disposés à employer leurs moyens en aucune manière qui profite à la société ou à eux-mêmes. Épargner implique un arrêt de la circulation, — tandis qu’un emploi profitable du capital implique une accélération de la circulation, — deux choses qui sont tout à fait contradictoires. 4 % est le point où chacun en Angleterre se sent le désir d’épargner ; — aujourd’hui ce taux, selon M. Mill, agit pour développer ce désir aussi efficacement que le taux de 40 % agissait sous le roi Jean, et qu’il agit encore aujourd’hui dans l’empire birman. « Un tel taux, ajoute-t-il, existe toujours, et une fois atteint, il n’y a plus pour le moment d’accroissement possible de capital[1]. »

Le manque de toute logique dans les doctrines de l’école Ricardo-Malthusienne est ici évident au plus haut point. Après qu’on a soumis l’homme à une grande loi de la nature, en vertu de laquelle le travail devient d’année en année moins productif, on vient nous dire que les hommes éprouvent le désir d’épargner dans tel lieu, pourvu qu’ils obtiennent 4 % ; que dans tel autre lisseront induits à l’économie par quarante ; l’homme se trouvant de la sorte investi du pouvoir de déterminer lui-même si le capital s’accroîtra ou non, — bien que cependant vivant, se mouvant, ayant son être sous une grande loi qui rendrait l’accumulation plus difficile d’année en année[2].

Pourquoi cependant le taux du profit était-il si élevé en Angleterre à l’époque des Plantagenets ? Pourquoi si élevé de nos jours dans l’Inde, au Mexique, en Turquie et chez toutes les nations non fabricantes ? Pourquoi si bas en France et en Angleterre ? Pourquoi le capital s’accumule-t-il plus vite en France qu’en Portugal ? Voilà des questions à poser à la science ; mais que les économistes modernes laisseront sans réponse tant qu’ils persisteront à supposer l’existence d’une grande loi, en vertu de laquelle la tendance à la pauvreté et à la dégradation s’accroît à mesure que les hommes deviennent plus nombreux et plus aptes à combiner leurs efforts.

  1. J.-S. Mill. Principes of Political Economy, book IV, chap. iv, § 3.
  2. Essay on Wages, p. 27.