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ou l’aliment. C’est à peine si la farine le satisfait plus que n’avait fait le blé ; il s’aidera d’une autre force, la friction. Deux morceaux de bois sec frottés vivement l’un contre l’autre lui donnent la chaleur, le feu ; dès lors il produit le pain, l’objet utile, la richesse, qui correspond au besoin.

Et cependant quel est le but définitif de tous ces travaux ? Pourquoi ce temps ? cette intelligence dépensés à construire l’arc, le canot, à pratiquer les trous dans la terre, à prendre le poisson, moudre le grain et modifier l’un et l’autre pour les transformer en un aliment réel ? Ce but est d’entretenir dans sa propre personne la force musculaire, ce qu’il ne peut faire qu’en décomposant la matière que la nature avait composée auparavant. Il l’introduit dans son estomac, où elle est soumise à l’action d’autres forces naturelles et préparée pour entrer de nouveau dans la composition du poisson, du gibier, du blé, du seigle, des fruits ou de la pomme de terre. Nous avons là un cercle sans fin ; mais parmi toutes ces opérations, à laquelle devrons-nous appliquer le terme production ? Où la production finit-elle, et où trouverons-nous que commence la consommation ?

Le canot est consommé à produire le poisson, l’arc à produire le gibier, l’air et le sol à produire le blé, le blé à produire la farine, la farine à produire le pain, et enfin le pain à produire l’homme. À son tour, après qu’il a été lui-même consommé à produire toutes ces choses, il passe dans le sol à l’état de cadavre, c’est-à-dire tout prêt à fournir sa part de matériaux qui viendront se constituer de nouveau en gibier, poisson, blé, seigle, pommes de terre. On nous dit : Tel homme est un producteur de coton, tel autre produit la cotonnade, laquelle passe à un troisième qui la teint ; à vrai dire, tous les hommes se sont distribué les tâches d’un même travail, soumettre au service de l’homme les forces de la nature ; en contraignant ce qui existe dans le sol et dans l’atmosphère à prendre telle forme qui offrira la protection cherchée contre le froid de l’hiver.

Autre exemple. On dit : Tel homme est un producteur de charbon, tandis qu’il ne fait que le déplacer, transportant au sommet du puits ce qui se trouvait au fond. En cela il n’a fait qu’un simple pas vers le but pour lequel le charbon est recherché. L’homme a besoin d’une force. Cette force s’obtient par le mouvement, et