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§ 12. — Dépendance croissante de l’Angleterre, résultat de sa poursuite d’une politique purement trafiquante.

Le chiffre total des individus de tout sexe et de tout âge employés dans la Grande-Bretagne à la production des filés et des tissus, à celle du fer, à la poterie et d’autres utilités semblables au moyen desquelles ce pays non-seulement paye pour tous les envois nécessaires à sa nombreuse population, mais se trouve à même de mettre les producteurs de ces envois tellement en dette, est de beaucoup au-dessous d’un million, c’est un fait de toute certitude ; il est même très-probable qu’il ne va pas à quatre cent mille. Que des quantités considérables d’envois soient reçues, et qu’on donne très peu en retour, c’est un fait qui n’admet point le doute ; comme aussi que la conviction de son existence doit tôt ou tard éclore chez les sociétés agricoles du globe. Le jour où il sera compris, ces sociétés viendront à conclure qu’elles peuvent aussi bien extraire et fondre leurs minerais, filer et tresser leur propre coton et faire leur propre poterie ; et alors elles diront à ce petit nombre d’individus : — « Venez chez nous fondre le minerai, fabriquer le fer, filer le fil et tisser l’étoffe. » Le jour où elles se mettront à faire chez elles ce qui se fait aujourd’hui en Angleterre, au lieu de nourrir quatre millions d’individus, elles n’en auront à nourrir qu’un million ; et au lieu de donner de si prodigieuses masses de coton, de sucre, café, thé, bois de charpente, matières tinctoriales et autres produits bruts en échange d’un peu de grossiers tissus et de très-peu de fer, elles auront le tout de cette immense quantité à appliquer à l’achat d’un outillage perfectionné, ou des conforts et des jouissances de la vie. Quelle sera cependant dans ces circonstances la condition de la société anglaise, — qui aura quatre millions d’individus à nourrir et plus de vingt autres millions dépendants du trafic à l’étranger pour être fournis de toutes les jouis-

    et communications entre la classe riche et les classes pauvres, la rigidité de l’agence officielle a remplacé ce traitement doux et généreux que, livrés à leurs bons sentiments, les plus heureux enfants du même père voudraient à chaque occasion accorder à leurs frères moins fortunés… Là où le pouvoir de sympathie a été complètement ou à peu près aboli parmi les différents rangs de la société, l’un des premiers effets qui se manifeste est un gouffre béant et qui va toujours s’élargissant de pauvreté, qui creuse autour de ses bases. De même que le rivage aux rocs sourcilleux indique la profondeur de la mer qui l’entoure, les sommets orgueilleux de la richesse dans la société sont les indices d’une dépression correspondante dans les rangs plus humbles. La misère excessive se trouve toujours à côté de l’excessive splendeur.(Dr Forbes, of Glasgow).