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Le cottage dont le loyer absorbe un quart de la totalité de son travail, est généralement, tous les rapports au parlement en font foi, dans un état de délabrement, et presque toujours si resserré, que les habitants mariés et non mariés, hommes, femmes, enfants, au mépris de toute décence, doivent coucher dans la même chambre, et souvent dans le même lit[1]. Tout mauvais que soit l’état de ces cottages, leur nombre va toujours diminuant et le travailleur est de plus en plus contraint à chercher refuge au village. Comme spécimen de la condition de beaucoup de ces villages, M. Caird donne la description suivante du spectacle qui se présente au voyageur qui visite les rives de la Tweed : « L’œil se repose avec délices sur la riche et fertile vallée, à travers laquelle la rivière serpente en gracieux détours, là ombragée par des groupes d’arbres magnifiques, là glissant lentement entre de longues îles, couvertes de moissons dorées. Tout auprès est le village lui-même, le vrai type de la malpropreté et de la négligence. De misérables maisons plantées çà et là sans ordre, — des ordures de toutes sortes répandues ou amoncelées le long des murs. » Chevaux, vaches et cochons logés sous le même toit avec leurs propriétaires et entrant par la même porte ; — souvent un toit à porc au-dessous de l’unique fenêtre de l’habitation ; — 300 âmes, 60 maisons, 50 vaches, outre les pigeons, les cochons et la volaille, — tel est le village de Wark dans le Northumberland. » — Nous avions, ajoute-t-il, rencontré

    des enfants employés dans l’agriculture, rapporta que changer de linge était tout à fait hors de question. Le haut des jupons des femmes pendant le travail, et même leurs corsets, sont vite trempés par la transpiration, tandis que le bas ne peut échapper à l’humidité dans presque tous les genres de travaux auxquels elles sont employées, excepté dans la saison la plus sèche. Il arrive assez fréquemment, ajoute-t-il, qu’une femme, en revenant du travail, est obligée de se mettre au lit pendant une heure ou deux, afin de laisser sécher ses hardes. Il lui arrive assez communément, si elle ne le fait pas, de les remettre le lendemain aussi humides que lorsqu’elle les a quittées. Un rapport au parlement montre la condition des femmes et des enfants employés dans les houillères encore plus déplorable. Beaucoup travaillent, et cela en compagnie des hommes, dans un état de nudité complète.

  1. « Je désespère, dit un ecclésiastique, de donner une idée au juste de la manière dont ces gens sont entassés ensemble dans leur logis. Et il ajoute : « Cette paroisse est attenante au parc de Milton-Abbey, la belle demeure seigneuriale du comte de Portarlington. » Passage cité dans le livre de Kay : Social condition of the People of England and the Continent, et accompagné de nombreux extraits d’ouvrages de la plus grande autorité, tendant tous à prouver la condition déplorable dans laquelle se trouve la population agricole de l’Angleterre.