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La différence essentielle entre les deux systèmes consiste en ce que — celui de la France vise au rapprochement des prix des matières premières et des utilités achevées, — ce qui est toujours un caractère de civilisation ; tandis que celui de la Grande-Bretagne vise à rendre leur écart plus prononcé, — ce qui est toujours un symptôme de marche de la barbarie.

§ 11. — Abaissement de la condition des travailleurs ruraux en Angleterre. Diminution dans la quote-part qui, dans le système sociétaire, incombe à la partie agricole de la population anglaise.

Plus ces prix se rapprochent, plus il y a tendance à ce que s’élève la condition du travailleur agricole et à ce que la société prenne des bases plus profondes et plus solides ; et c’est pourquoi nous voyons en France s’accroître fortement la part proportionnelle de force physique et intellectuelle donnée à l’œuvre d’augmenter la quantité des utilités susceptibles d’être transportées, converties ou consommées.

C’est l’inverse de ces faits que nous observons dans la Grande-Bretagne ; le petit propriétaire, qui cultivait son propre champ, ayant disparu pour être remplacé par des tenanciers à volonté, — employant des journaliers sans intérêt dans le travail qu’ils sont requis d’accomplir, et qui n’ont que le cabaret où employer le temps qu’on ne leur demande pas de donner en échange contre la pitance du salaire qu’ils reçoivent[1]. Depuis que les cottages ont partout été jetés bas, à mesure que les palais se sont élevés, le travailleur est tenu de consacrer une grande partie de la force, résultat de la consommation d’aliments au travail de changer de lieu, — ayant à parcourir des milles pour aller et revenir de la ferme sur laquelle il est employé. La profession de fermier devient de

    de 1 fr. 40, représente sept litres, — plus du double. » En présence de ce résultat, il n’y a plus de doutes ni d’équivoques possibles. Voilà la valeur ramenée à son véritable étalon : voilà le travail mis en regard de sa rémunération réelle. Un ouvrier de la classe la moins payée, un simple manœuvre de campagne, piochant, moissonnant, battant en grange, exécutant enfin le même genre de travail, reçoit aujourd’hui, pour une journée de travail, deux ou trois fois plus de blé qu’il n’en gagnait il y a 100 ou 150 ans. Si ce n’est pas là ce qu’on appelle la subsistance plus abondante, plus facile à produire, moins chère, enfin… Je ne sais plus rien de démontré ni de démontrable en économie politique. »

  1. « Le fermier payant une rente même avec un bail de dix-neuf ans, ne peut donner dix-huit pence ou deux shillings par jour de salaire pour une telle besogne, parce qu’il ne rentrerait jamais dans son argent ; mais le propriétaire du sol trouve à la faire par lui-même ou par sa famille, à ses moments perdus, car il ajoute ainsi à la fertilité durable et à la valeur de sa propriété… Son champ est sa caisse d’épargne, où il dépose la valeur de sa main-d’œuvre, et qui la lui rendra un jour à venir, et l’assurera à sa famille après lui. (Blackwood’s Magazine, december 1855.)