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une nécessité de les exporter sur le marché anglais, avec un grand avilissement du prix pour les deux. Plus il fut reçu de subsistance irlandaise en Angleterre, et moindre fut la demande pour le travail anglais ; et plus il vint de travail irlandais, moindres furent les salaires du travailleur anglais, — moindre fut la demande pour les produits de la ferme, et moindre l’aptitude du fermier à faire les améliorations demandant les services du travailleur. Les prix des matières premières et des utilités achevées allèrent ^écartant les uns des autres, avec une augmentation constante de la difficulté d’obtenir la subsistance et le vêtement, et une augmentation constante des demandes de contributions pour entretenir, en qualité de pauvres, ceux qui ne trouvaient plus à vendre leur travail. Cet état de choses doit s’attribuer à l’arrêt de circulation en Irlande, qui, lui-même, fut une conséquence nécessaire du système qui vise à avilir le prix des matières requises pour les fabriques, et à favoriser ainsi le trafic aux dépens du commerce.

§ 5. — Le sol de France allant se divisant de plus en plus, le petit propriétaire profite par l’accroissement des prix de ses produits et de sa terre. Les tenanciers anglais ruinés par le déclin du prix des subsistances. Le système français tend à établir l’égalité parmi les hommes, tandis que le système anglais tend à accroître l’inégalité actuelle.

En France, comme nous avons vu, le pouvoir du blé pour acheter les métaux précieux s’est maintenu, en même temps que la quantité produite a beaucoup augmenté, — permettant au propriétaire du sol de profiter de toutes les améliorations qu’il a faites. Là aussi, — la terre étant très-divisée, le propriétaire et le tenancier sont généralement une seule et même personne ; et ainsi l’accroissement du prix de la terre et de sa production a tourné à l’avantage de son cultivateur, ce qui lui permettait à la fois d’améliorer ses méthodes et d’augmenter ses demandes sur ses voisins, pour les produits de leurs professions[1].

  1. Voici comment un écrivain récent, mais anonyme, dont les préférences sont pour le système de grande-ferme, rend témoignage en faveur de l’effet du système de cottages en France :
      « Lorsqu’on atteint la vallée de la Seine avant d’apercevoir la ville de Rouen, sur les hautes collines qui sont cultivées de chaque côté jusqu’à leurs sommets, les petites parcelles de sol occupées par les récoltes respectives donnent au pays un aspect fort curieux. La division de la terre est portée à sa dernière limite, surtout à l’entour des villes et des villages, et montre pour la culture du sol une passion qu’on aurait peine à comprendre en Angleterre, où les autres objets d’entreprise sont plus accessibles qu’en France. Il convient de constater que les paysans qu’on rencontre dans les champs, gardant leur unique vache ou travaillant le sol, ont un air de contentement et d’activité non fatiguée qui fait bien augurer du bonheur individuel de la population. Les haies sont inconnues dans ces contrées. Les divisions sont marquées par des pierres en partie visibles. Elles sont placées par les autorités ; et sans