Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’une a encouru la réprobation d’Adam Smith, tandis que l’autre est en accord complet avec ses doctrines, aussi bien qu’avec celles de Colbert, le plus distingué de tous les fils de la France.

La première a eu et a pour son champion éminent la Grande-Bretagne, la seconde a pour son fondateur et son soutien le plus persévérant, la France, et ainsi, après tant de siècles d’un effort sans relâche pour se nuire réciproquement par des opérations de guerre, ces deux nations sont aujourd’hui engagées dans une lutte pacifique pour diriger le monde ; mais toute pacifique qu’elle est, cette lutte est destinée à exercer une influence en comparaison de laquelle celle résultant des mouvements des flottes et des armées dans le passé sera prouvée avoir été complètement insignifiante.

Pour des siècles toutes deux furent engagées dans la guerre ; mais le but proposé fut bien différent pour chacune — la France cherchant la gloire et la domination, tandis que l’Angleterre n’eut en vue que la suprématie du trafic. Une égale différence a marqué leurs politiques respectives — la France ayant imité Rome, qui tout en exerçant le brigandage universel, laissa intacts les arrangements locaux de ses provinces ; tandis que l’Angleterre prenait exemple sur la Hollande, en cherchant à monopoliser l’outillage du trafic et de transport, et forçant par là les étrangers à faire leurs échanges sur un marché unique. La politique de l’une a été celle du soldat, celle de l’autre s’est basée sur cette simple idée. « Acheter sur le marché le plus bas, vendre sur le marché le plus haut. »

La France a permis à ses colonies de raffiner leur propre sucre et de fabriquer leur drap. L’Angleterre, au contraire — désireuse de prévenir « cette pratique mauvaise » — inséra dans ses concessions de terres des clauses « qui les déclaraient nulles » si les concessionnaires « s’appliquaient à fabriquer des lainages ou des objets de cette nature[1] ». Visant à développer le commerce, la France, sous la direction de Turgot, abolit les monopoles des premiers temps ; tandis qu’au même instant le parlement d’Angleterre — visant toujours au trafic — ajoutait d’année en année des restrictions aux mouvements de ses artisans et cherchait ainsi à créer un monopole à posséder contre le monde. Les tendances de

  1. Report of the Board of Trade respecting the Plantations.New York colonial Documents, vol. V, p. 87.