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sidérable également la proportion de cette somme accrue, consacrée à augmenter la quantité de produits bruts qui ont besoin d’être achevés. Le travail appliqué à la transformation est complètement économisé ; non-seulement il en est ainsi, mais l’affranchissement ainsi obtenu, de la taxe onéreuse du transport, permet au cultivateur de diversifier les demandes qu’il fait au sol, aussi largement qu’il le faut pour accroître ses récoltes ; ce qui lui permet de mieux se nourrir et se vêtir, en même temps qu’il améliore rapidement sa machine agricole. En outre, il peut restituer au sol l’engrais qui se fait à la ville voisine, et augmenter ainsi la puissance productive de ce même sol. La productivité de l’agriculture augmente donc en raison directe de la puissance d’association ; d’où il suit, nécessairement, que la quantité des subsistances devient plus abondante, à mesure que le fermier et l’artisan peuvent de plus en plus se rapprocher l’un de l’autre.

C’est précisément le contraire de ceci que l’on enseigne, dans cette école d’Économie politique qui voit l’apogée de la perfection des arrangements sociaux, dans la création d’un atelier unique pour l’univers entier, et dans la résolution finale de toutes les autres agglomérations sociales en corporations composées de simples défricheurs de terre. On peut constater les conséquences de ce fait en Irlande, en Turquie et dans d’autres pays que nous avons cités ; ils tendent tous graduellement à la décadence et à la dissolution ; si au contraire nous tournons nos regards vers la France, dont le système est, et a été depuis longtemps, opposé aux enseignements de l’école anglaise, nous trouvons des preuves nombreuses de la vérité de cette proposition : qu’une nation, qui veut que la quantité des produits bruts de la terre soit abondante, doit créer une demande de ses produits, en rapprochant, le plus possible, les consommateurs des producteurs et diminuant ainsi les frais de transport.

§ 11. — La France est un pays « d’anomalies, » — son système social tendant à la décentralisation, tandis que son système politique tend de plus en plus à la centralisation. Inaptitude qui en résulte de cultiver les sols les plus riches.

Quelque considérable qu’ait été, dans ces dernières années, le progrès de la France, sa population, en thèse générale est encore pauvre[1] et la puissance productive de ce pays est faible, si on la compare avec les immenses avantages qu’il possède. Pourquoi en est-il ainsi, c’est que, pour nous servir des expressions de M. Passy,

  1. Voyez t.1, chap. xi, § 11, p. 286-287.